Axado* est une activiste en faveur des droits des femmes et de la paix. Elle est membre active de différents groupes dirigés par des femmes et d'autres initiatives qui luttent contre la guerre actuelle au Soudan. Outre la défense de la paix, ces initiatives se concentrent sur la fourniture de services aux personnes déplacées à l'intérieur du pays et sur le renforcement des structures humanitaires. Selon des estimations, plus de 168 000 familles ont été déplacées dans tout le Soudan après un mois de conflit, les chiffres les plus élevés ayant été enregistrés dans l'État du Nord, où réside Axado.

Les femmes et les filles dans le besoin

La sécurité dans l'État du Nord est relativement sûre puisqu’il n'y a pas de conflit actif. Cependant, le nombre de déplacements a conduit à une détérioration significative des services et des infrastructures et à une pénurie des médicaments vitaux. Les logements situés dans la région n’offrent pas forcément de bonnes conditions de vie pour les personnes déplacées, faute de ne pas disposer du nécessaire.

Les femmes sont chargées de fournir des denrées alimentaires ainsi que des produits en matière de santé reproductive alors même que ces derniers ne sont pas disponibles dans la région.

Les femmes et les filles de la communauté ont un besoin urgent de soutien psychologique. Les familles font face à la perte de leurs enfants, et c'est la première fois qu'elles sont témoins d'un conflit armé, créant ainsi des traumatismes.

Toutes les femmes n'ont pas les mêmes opportunités professionnelles et souffrent d'un niveau de pauvreté très élevé. A cause du conflit, elles ont perdu leurs emplois et l’accès à l'éducation. Il est nécessaire d'offrir des opportunités économiques pour soutenir les femmes et les filles déplacées, mais plus largement encore la communauté dans son ensemble. Ces opportunités pourraient sauver la région d'une éventuelle famine, notamment en raison de l'interruption des approvisionnements et d'une production agricole insuffisante.

La participation politique des femmes

Malheureusement, dans l'État du Nord, les femmes n'ont pu participer aux processus politiques qu’à partir de 2018, après la révolution soudanaise, lorsqu’un groupe de femmes a joué un rôle clef dans le renforcement de la participation politique des femmes et leur sensibilisation aux processus politiques.

Actuellement, de nombreuses femmes ne peuvent pas prendre de décisions concernant leur propres vies, qu'il s'agisse de fuir et de demander l'asile ou de rester. Elles ne sont pas non plus autorisées à participer à des rassemblements en dehors de chez elles.

Les activistes s'emploient désormais à fournir des logements, de la nourriture, des médicaments, des moyens de transport aux personnes déplacées, ainsi qu'un soutien psychologique et des services de santé. Elles s'efforcent également de sensibiliser les femmes à leurs droits dans le contexte du conflit et s'organisent pour leur donner un rôle actif dans les décisions politiques.

En général, la marginalisation systématique de cette région a affaibli la participation politique des personnes de tous genres.

Le cas des violences sexistes et sexuelles

À ma connaissance, aucun cas de violation sexuelle n'a été signalé dans l'État du Nord. Cependant, plusieurs femmes déplacées ayant subi des agressions sexuelles ont reçu des soins médicaux dans cette région. D'une manière générale, de nombreux cas de violences sexuelles à l’encontre des femmes et des jeunes filles ont été signalés à Khartoum et dans d'autres États. Nous refusons l'exploitation du corps des femmes et l'utilisation des violences sexuelles et du viol comme arme de guerre.

Les priorités de la plateforme “Paix pour le Soudan”

La plateforme "Paix pour le Soudan", soutenue par ONU Femmes Soudan, coordonne les initiatives menées par les femmes dans tous les États du Soudan et facilite la communication entre elles pour des actions de plaidoyer collectives. À ce stade, il est essentiel d'unifier les efforts et les demandes.

Les priorités de la plate-forme sont les suivantes :

Instaurer une paix globale, en commençant par s'engager à cesser les hostilités.
Ouvrir des passages sûrs pour l'aide humanitaire.
Suivre les besoins humanitaires et fournir de l'aide.
Répondre aux demandes de libération des prisonnier.e.s et des détenu.e.s.
Protéger les femmes et les filles, notamment en mettant un terme au recrutement des enfants et en faisant participer les enfants soldats à des programmes de réinsertion.
Assurer la continuité du parcours éducatif et garantir les services de santé.
Surveiller les violations des droits humains commises par les parties en conflit.
Soutenir les femmes et les filles survivantes de violences basées sur le genre en plaidant pour la création d'un refuge pour les femmes.
Diffuser la culture de la paix par le biais d'activités et de campagnes de sensibilisation dans le cadre desquelles les valeurs de coexistence, de tolérance et de réconciliation sont diffusées au sein de la population soudanaise.
Atteindre un minimum de revendications communes pour les femmes.
Renforcer la participation politique des femmes.

L'action de “Paix pour le Soudan” se déroule en deux phases, la première pendant la guerre et la seconde après sa résolution. Après la guerre, les efforts se concentreront sur l'élaboration de plans stratégiques visant à garantir un soutien continu aux femmes.

La communauté internationale a un rôle à jouer en soutenant les organisations et les jeunes acteurs dans les actions humanitaires et le relèvement. En tant que groupe le plus touché, il est important d'impliquer les femmes dans tous les processus. L'aide humanitaire est une priorité à ce stade, mais l'autonomisation des femmes est essentielle à la construction d'un Soudan durable.

Grâce à la mobilisation de l’application Weward et de ses utilisateur.rice.s, ONU Femmes France a pu financer l’équivalent de 400 kits d’urgence pour les femmes et les filles soudanaises.

Nous avons besoin de votre aide pour poursuivre nos actions et continuer à soutenir les organisations de femmes au Soudan pour répondre aux besoins des femmes et des filles. Jusqu’au terme du conflit et tout au long de la reconstruction post-conflit, elles auront besoin de notre aide.

*Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d'ONU Femmes.