Festival Génération Égalité Voices 2021 : Focus sur Stop Fisha

Alors que se prépare la troisième édition du Festival Génération Égalité Voices, ONU Femmes France dévoile le parcours des projets lauréats 2021. Dans quelle mesure la double labellisation a-t-elle été utile aux associations ? Comment leurs initiatives dotées de 5 000€ ont-elles accéléré les progrès pour les droits des femmes ? Interview.

Lisa Gauvindrillaud (Stop Fisha) © Camille de Buhren

Prix Accélérateur d’Égalité : CyberCafé de Stop Fisha

En mars 2020, la situation d’urgence sanitaire s’accompagne d’une urgence sociale. Suite aux restrictions d’accès à l’espace physique, le cyberharcèlement explose. Face à cette hausse des violences en ligne, Lisa Gauvindrillaud, 22 ans, étudiante à Bruxelles, décide de réagir.

Lisa Gauvindrillaud : « Je m’appelle Lisa et je suis l’une des douze co-fondatrices de Stop Fisha. On a formé le collectif pendant le premier confinement pour traquer, dénoncer et signaler la hausse des diffusions non consenties de contenus intimes sur les réseaux sociaux. Une étude révèle par ailleurs à cette période que 73% des femmes ont déjà été victimes de violences sexistes et sexuelles en ligne et qu’elles sont 27 fois plus susceptibles d’être cyber harcelées que les hommes (1). Les conséquences des cyberviolences, notamment psychotraumatiques, sont dramatiques pour les victimes. L’humiliation sociale, le repli sur soi ou encore la dépression peuvent conduire à des mutilations voire des tentatives de suicide, sans compter le décrochage scolaire et les impacts de long terme sur la santé mentale. Face à l’inaction des pouvoirs publics, on a donc transformé le collectif en association en novembre 2020. »

Grâce à 70 bénévoles partout en France, Stop Fisha accompagne et apporte un soutien aux victimes par une aide psychologique et juridique et sensibilise les pouvoirs publics et les plateformes à la lutte contre le cybersexisme et les cyberviolences sexistes et sexuelles.

LG : « Notre rôle est désormais de contribuer à la répression des cyberviolences, à la formation des professionnel·le·s pour améliorer la prise en charge des victimes et le signalement des contenus ainsi qu’à la sensibilisation aux cyberviolences pour mieux les reconnaître et les prévenir. On souhaite particulièrement combler les failles et le vide juridique sur ces questions, renforcer la responsabilité des plateformes numériques à travers la modération et construire une réelle éducation numérique car la France est en retard sur les questions de cybersécurité. »

On veut que les auteurs de cyberviolences sachent que l’impunité, c’est terminé. Désormais, Stop Fisha est derrière eux pour traquer, enquêter et déposer des dossiers de plainte.
— Lisa Gauvindrillaud

Depuis sa création, Stop Fisha est venue en aide à près de 1 000 victimes et a fermé 800 comptes*, notamment sur Snapchat, Telegram et Instagram. Le Festival Génération Égalité Voices a vivement encouragé l’association dans sa lutte contre les cyberviolences.

LG : « C’est tout l’intérêt du projet CyberCafé StopFisha - notre initiative primée - dont l’objectif est d’organiser des talks sous formes d’épisodes en ligne pour mettre en lumière des thématiques encore trop méconnues telles que le cyberracisme, la cybertransphobie ou encore le cyber-travail du sexe. La dotation de 5 000€ va nous permettre de créer cet outil décisif de sensibilisation numérique, de louer le matériel requis, de procéder au tournage des vidéos et de diffuser nos connaissances et nos compétences au plus grand nombre, tant dans les écoles et les associations qu’auprès du gouvernement. Dans cette perspective, la double labellisation est une opportunité incroyable pour renforcer notre légitimité, notre position institutionnelle et la pression exercée sur les pouvoirs publics. Nous sommes désormais en capacité d’imposer nos voix et de permettre aux victimes de se faire entendre. Pendant le festival, nous avons aussi rencontré d’autres acteurs et actrices de la lutte, ce qui nous a permis d’accroître ensemble la visibilité et la médiatisation de ce sujet. »

En octobre 2021, le collectif a publié l’ouvrage Combattre le cybersexisme, un guide sur comment se protéger et se défendre. Aujourd’hui, grâce à cette expertise, Lisa et ses collègues s’apprêtent à rencontrer des eurodéputés pour penser les enjeux numériques de la directive proposée par la Commission européenne en mars dernier sur la lutte contre les violence à l’encontre des femmes et la violence domestique (2).

 
 

* “Un compte dit « fisha », verlan du terme « affiche », est un compte ou un groupe créé sur un réseau social, une plateforme ou une messagerie exclusivement dans le but d’afficher des photos et des vidéos intimes et dénudés de filles et de femmes pour les humilier. Les contenus publiés sans le consentement de la victime sont souvent accompagnés de ses informations personnelles (...).“ Extrait de l’ouvrage : Association Stop Fisha, Combattre le cybersexisme, 2021. Éditions Leduc.

(1) Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne : une urgence pour les victimes, Rapport n°2017-11-16-VIO-030 publié le 16 novembre 2017. Accessible ici.

(2) European Commission, Proposal for a DIRECTIVE OF THE EUROPEAN PARLIAMENT AND OF THE COUNCIL on combating violence against women and domestic violence, 8 mars 2022. Accessible ici.

 

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