L'égalité aujourd'hui pour un avenir durable

Nous sommes face à l’un des plus grands défis de notre époque. Sans égalité de genre, un avenir durable reste hors de portée. Les femmes sont les premières victimes, mais aussi les premières actrices pour lutter contre le dérèglement climatique. Portons leurs voix au sein des instances de gouvernance.

Des effets climatiques catastrophiques

« Dans tous les secteurs et régions, les personnes et les systèmes les plus vulnérables sont touchés de manière disproportionnée » (1). C’est la première observation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport publié le 28 février 2022. En raison des inégalités de genre, les femmes et les filles disposent de moins de moyens, tant pour se prémunir que pour se rétablir des effets du dérèglement climatique. Spécialement en temps de pandémie mondiale et de conflits, les normes sociales inégalitaires limitent leurs ressources et entravent ainsi leurs capacités d’adaptation et de résilience face aux risques climatiques, environnementaux et aux catastrophes. 

Typhons, ouragans, cyclones… Les manifestations les plus sévères du dérèglement climatique engendrent des situations de crise exposant les femmes et les filles à de nombreux risques. 

Lorsque survient une catastrophe, la saturation des services d’urgence entraîne une diminution de l’accès aux secours, à l’assistance, aux soins, à la protection sociale et aux infrastructures. La santé, notamment sexuelle et reproductive, des femmes et des filles est particulièrement menacée car elles ont des besoins spécifiques, notamment liés à la maternité ou à l’hygiène menstruelle. Pour preuve, chaque jour, 507 femmes et adolescentes meurent de complications de grossesse et d’accouchement dans des situations d’urgence (2).

L’éducation des filles est aussi mise en danger dans ce contexte, en particulier en cas de migration : 20 millions de personnes chaque année quittent leur foyer à la suite de catastrophes naturelles (3). Ainsi, les sinistres suspendent souvent la fréquentation scolaire et la déscolarisation des filles compromet, voire annihile, leurs chances d’autonomisation. Quant aux emplois des femmes, tandis qu’elles sont souvent reléguées aux secteurs économiques marginaux, précaires et informels, les dommages matériels causés par les catastrophes représentent de dramatiques pertes de revenus. Cette situation peut contraindre à des stratégies de survie aux conséquences désastreuses qui mènent, par exemple, à l’exploitation sexuelle. 

D’autant plus que les situations de crise intensifient les facteurs de risque préexistants de violences faites aux femmes : viols, maladies infectieuses, grossesses précoces et non désirées, ainsi que mariages précoces et forcés. Les raisons portent notamment sur l’effondrement des espaces de sécurité communautaires, l’absence de mécanismes de signalement et les facteurs culturels qui découragent l’alerte tels que la stigmatisation et la culture du silence.

Canicules, vagues de froid, sécheresses, inondations… Au-devant des événements météorologiques extrêmes, les aléas climatiques suffisent à altérer profondément la vie des femmes et des filles.

Les variations climatiques troublent les rendements agricoles et impactent par la même occasion les prix des denrées, la sécurité des approvisionnements et la rentabilité des exploitations. Alors que les femmes assurent entre 60 à 80% de la production agricole dans les pays à faible revenu (4), c’est la sécurité alimentaire et la nutrition de l’ensemble de la population qui sont mises en péril. De plus, les femmes possèdent souvent des terres dans les zones agricoles les moins favorables, n’ont pas accès aux outils de prêts, aux assurances ou à des formations aux nouvelles technologies agricoles. Elles sont généralement privées de titre de propriété sur les sols qu’elles exploitent puisqu’elles représentent 14% des propriétaires de terres dans le monde (5).

Ce constat est vrai dans le monde, comme en France, où il pèse aussi sur les femmes le poids écologique d’inclure le respect de l’environnement dans le foyer, ce qui augmente leurs tâches ménagères et leur charge mentale : sélection de produits biologiques, tri des déchets, économies d’énergie. Elles sont également vulnérables face à la précarité énergétique, à la pollution de l’air et aux sévères changements de température qui engendrent des conséquences d’une extrême gravité en termes de santé publique. Lors de la canicule de 2003, la surmortalité était de plus de 85% chez les femmes de 75 ans et plus, et de 51% chez les hommes de la même tranche d’âge en Europe (6).

Des rôles déterminants pour lutter contre le dérèglement climatique

Malgré leur vulnérabilité, les femmes sont en première ligne pour répondre aux crises dans toutes les régions du monde.

En raison des rôles assignés par la société, elles ont la responsabilité des personnes vulnérables (enfants, personnes âgées, en situation de handicap) et sont surreprésentées dans les métiers du « care » (santé, services à la personne). Elles s’attachent davantage à améliorer les conditions de vie de leurs familles et communautés, et donc à utiliser leurs connaissances et développer leurs compétences afin de s’adapter aux risques climatiques. Les femmes font ainsi preuve d’innovations dans de multiples domaines : gestion des ressources naturelles, agriculture, conservation énergétique et alimentaire. Elles détiennent de l’expertise et témoignent d’une perspective précieuse des besoins du terrain qu’on ne peut ignorer. Leurs rôles clés font d’elles des actrices au cœur de la prévention, de l’adaptation et de la mise en place de solutions face au dérèglement climatique. Conçues sans elles, les mesures manquent de cohérence, voire portent préjudices aux communautés marginalisées.

Par exemple, quand une « zone protégée » est désignée, les peuples autochtones sont expulsés de leurs terres ancestrales. Toutefois, leurs modes de vie et leurs moyens de subsistance dépendent des milieux naturels. Les femmes autochtones continuent alors de retourner sur leurs terres afin de ramasser du bois pour le feu, du fourrage ou des plantes médicinales. De ce fait, elles font l’objet de menaces, d’actes de harcèlement et de violences de la part des forces de sécurité déployées dans les zones protégées. Ainsi, Petra Laiti, 26 ans, est une activiste autochtone de Finlande qui s’efforce de sensibiliser le public au vécu de sa communauté, et le rôle que les peuples autochtones doivent jouer dans l’action climatique : « Il faut savoir que les peuples autochtones sont les protecteurs actuels de 80 % de la biodiversité restante sur terre. Les droits des peuples autochtones relèvent des droits humains. »


Pourtant, le rôle des  femmes  est moins reconnu, et elles sont sous-représentées dans la gouvernance sur les questions climatiques.

La prise en compte du genre lors des négociations climatiques a été graduelle et récente. Mais cette intégration n’est pas encore systématique et se limite fréquemment à considérer les femmes comme des groupes vulnérables, et non comme des actrices indispensables. Pour preuve, 67% des rôles décisionnaires sont dévolus aux hommes à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Protocole de Kyoto et l’Accord de Paris (8). Cette sous-représentation n’est pas sans conséquences pour les femmes et les filles. Leurs besoins spécifiques et différenciés sont souvent ignorés par les politiques et les programmes relatifs au climat, à l’environnement et aux risques de catastrophe.  


Sans participation et leadership des femmes, la réponse à l’urgence climatique continuera d’exclure leurs priorités et de compromettre leurs droits. Il est urgent d’agir.

Alors que se tient la 66ème session de la Commission de la condition de la femme (CSW), il n’est pas trop tard pour rééquilibrer les choses. Les actrices de la transition écologique  sont de puissantes leaders et agentes du changement pour aborder de manière efficace, équitable et socialement juste les réponses au dérèglement climatique. Véritables moteurs de progrès, leurs connaissances, leurs compétences et leur leadership doivent être pleinement mis à profit si les sociétés veulent parvenir à l'utilisation durable des ressources limitées de notre planète.  

Sans placer l'égalité de genre au cœur des solutions au dérèglement climatique,  un monde durable reste impossible. Donnons les moyens aux femmes et aux filles de faire entendre leurs voix et rendons la prise de décision plus égalitaire.

Sources

(1) Intergovernmental Panel on Climate Change (2022, 27 février). « Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability », p.32. Accessible ici.

(2) OCHA (2016). « World Humanitarian Data and Trends 2016 », p. 39. Accessible ici.

(3) Oxfam (2019, 2 décembre). « Populations contraintes de fuir : des déplacements exacerbés par le changement climatique », p.1. Accessible ici.

(4) Oxfam France (2021, 27 avril). « Objectif faim zéro : le rôle des femmes dans un contexte de changement climatique ». Consulté ici le 1 mars 2022.

(5) ONU Femmes (2020). « Égalité des sexes : le point sur les droits des femmes 25 ans après Beijing », p.5. Accessible ici.

(6) Marine Jobert (2013)., « Les changements climatiques menacent nos aïeux », Journal de l’environnement. Accessible ici.

(7) ONU Femmes. (2022, 28 février). « Les voix des jeunes pour le changement : 4 jeunes leaders de l’action climatique que nous admirons ». Consulté ici le 17 mars 2022.

(8) ONU Femmes (2020). « Égalité des sexes : le point sur les droits des femmes 25 ans après Beijing », p.21. Accessible ici.