Là où les crises multiplient les risques, les femmes multiplient les solutions

Le monde est confronté à trois grands défis mondiaux simultanés qui menacent le développement durable, la paix et la sécurité : la pandémie de COVID-19 et ses conséquences, les conflits violents et les effets imminents du changement climatique. La façon dont nous y répondrons nous définira pour les générations à venir. Pourtant, en cette période de besoin sans précédent de réponse cohérente et durable, l’innovation et le leadership de la moitié de la population mondiale sont largement exclus.

Coopérative de femmes rurales en Guinée qui vise à créer un revenu et améliorer la vie en communauté

L’égalité de genre au centre du développement durable

Les objectifs de développement durable reconnaissent que l’égalité de genre fait partie intégrante de notre progrès collectif mondial. Bien qu’il existe un objectif autonome - l’objectif 5 - sur l’égalité de genre et l’autonomisation des femmes, la vérité est que sans l’égalité de genre, aucun des autres objectifs de développement durable ne sera réalisable. C’est une condition préalable au progrès mondial, ainsi qu’un ingrédient vital de notre capacité à répondre efficacement aux crises et aux défis du développement.

Dans ce cadre, ONU Femmes et le gouvernement allemand se sont réunis à Berlin pour réaffirmer leur détermination à accélérer l’égalité de genre. Ces conversations ont fait état d’un décalage surprenant entre la mesure dans laquelle les femmes et les filles sont touchées par les défis mondiaux croissants et la mesure dans laquelle elles sont impliquées dans la recherche, la direction et la mise en œuvre de solutions.

À maintes reprises, la communauté mondiale a manqué l’occasion de prendre de meilleures décisions en ayant des femmes à la table des négociations et à des postes de direction. Nous pouvons et devons faire mieux.

Sima Bahous, directrice exécutive d’ONU Femmes France, à la 66ème session de la commission sur le statut des femmes

Premières touchées par les conflits

Les conflits violents en sont un exemple frappant. De l’Ukraine à l’Afghanistan et de la Syrie à l’Éthiopie, les femmes sont fortement touchées par les déplacements, la violence et les conséquences des pénuries de nourriture et d’énergie. Pourtant, elles restent largement absentes en tant que leaders de la paix et de la réponse humanitaire.

La guerre en cours en Ukraine montre que les femmes ont des rôles importants à jouer, qu’il s’agisse de servir dans les forces armées ou de garder les familles et les communautés unies.

Une évaluation rapide axée sur les femmes menée par ONU Femmes au début du mois de mars a identifié leurs besoins urgents de financement mais aussi de participation à la prise de décision, à l’aide humanitaire, à la paix et à la reconstruction.

Moldovie - Personnes fuyant l’offensive armée de la Russie en Ukraine

Des besoins ignorés pendant la pandémie

La pandémie révèle le même schéma. Les répercussions ont frappé les femmes dans des domaines où leurs droits étaient déjà vulnérables : leurs moyens de subsistance, leur santé et leur sécurité. Les confinements et les couvre-feux ont détruit de nombreux emplois à temps partiel, informels et axés sur les services où les femmes sont surreprésentées. En même temps, cela a accru leurs responsabilités en matière de prestation de soins. La COVID-19 a également interrompu les soins gynécologiques et reproductifs et déclenché une recrudescence des violences domestiques sexistes.

Malgré les graves répercussions de la pandémie sur les femmes, elles ont été largement exclues des groupes de travail sur la COVID-19. Il en a résulté une réponse politique qui n’a pas répondu à leurs besoins.

Une participation peu importante aux discussions climatiques

L’absence d’une perspective sexospécifique est également claire – et inexplicable – dans la lutte contre le changement climatique. Les femmes sont 14 fois plus susceptibles que les hommes de mourir lors d’une catastrophe naturelle, en raison de leur mobilité limitée et de leur faible accès à l’information. Pourtant, elles font rarement partie des débats.

À l’échelle mondiale, seulement un tiers des 192 cadres énergétiques nationaux tiennent compte de l’égalité de genre. De la recherche d’une énergie à faible émission de carbone à la pratique locale d’une agriculture résiliente au climat, aucune solution ne sera durable, ni même réalisable, si elle n’inclut pas la voix des femmes.

Grève pour le climat menée par la jeunesse avant le sommet de l’ONU pour l’action climatique

Comment pouvons-nous faire des femmes des partenaires égales pour relever les plus grands défis de notre époque ?

Construisons la Génération Égalité

Des mesures sont nécessaires de toute urgence pour assurer l’inclusion des femmes à tous les niveaux de la prise de décision, y compris des quotas pour les parlements et des sièges réservés aux tables de négociation de la paix. Nous devrions également reconnaître le rôle essentiel que jouent les organisations de femmes dans la promotion du changement. Là où les organisations de femmes sont fortes, les démocraties le sont aussi.

Pendant la pandémie, la défense des féministes a été implacable et les organisations de femmes ont souvent comblé les lacunes des gouvernements. Pourtant, les dernières données de l’Organisation de coopération et de développement économiques montrent que, bien que l’aide bilatérale pour l’égalité de genre ait très légèrement augmenté en 2019-2020, moins de 2% de celle-ci est allée à des organisations de femmes.

Marche pour les droits des femmes à New Delhi

Aucun gouvernement, institution ou ONG ne peut le faire seul. Cela nécessite une solidarité mondiale sans précédent et des partenariats multipartites pour faire progresser les ODD. C’est pourquoi ONU Femmes et le gouvernement allemand, aux côtés de nombreux autres États membres, mènent une action collective pour accélérer l’égalité de genre.

Il y a des signes d’espoir et de progrès. Les conclusions de la récente session de la Commission de la condition de la femme reconnaissent le leadership des femmes dans la crise climatique et soulignent le rôle précieux qu’elles doivent jouer. Le Forum Génération Égalité organisé par ONU Femmes rassemble les gouvernements, le secteur privé, la société civile, la jeunesse et d’autres acteurs de tous les secteurs afin d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité des genres et de mettre en lumière l’urgence et la nécessité de consolider les efforts.

Nous devons tous travailler à un monde où nous attendons, soutenons et finançons la participation et le leadership des femmes dans la prise de décision, la consolidation de la paix, l’atténuation du changement climatique et le relèvement.

Par Sima Bahous, Directrice exécutive d’ONU Femmes et Svenja Schulze, Ministre allemande de la coopération économique et du développement

Traduit par Chance Vie

RESTEZ INFORMÉ.E.S