80 ans plus tard, la Charte des Nations Unies marquée par la réflexion, la détermination et l’urgence
Ce n’était pas un jeudi matin ordinaire à Manhattan. Aux premières heures, des diplomates de l’ONU ont chaussé leurs baskets, de Times Square à l’East River, suivant un parcours qui dessinait la forme de « UN@80 ».
New York : Les mots préambulaires de la Charte des Nations Unies exposés au Siège de l’ONU, à New York. Photo : ONU/Mark Garten
Sous un ciel clément après plusieurs jours de chaleur intense, la course s’est terminée là où tout a commencé, devant la Charte originale des Nations Unies – le document qui a lancé l’Organisation et remodelé l’ordre international moderne – aujourd’hui exposée au siège de l’ONU.
À l’intérieur de la salle de l’Assemblée générale, les délégués se sont réunis pour commémorer le 80ᵉ anniversaire de sa signature.
Ils ont réfléchi aux huit décennies durant lesquelles l’ONU a aidé à reconstruire le monde après la Seconde Guerre mondiale, soutenu l’indépendance des anciennes colonies, favorisé la paix, apporté une aide humanitaire, fait progresser les droits humains et le développement, tout en affrontant de nouvelles menaces comme le changement climatique.
Sauver les générations futures du fléau de la guerre
Le président de l’Assemblée générale, Philémon Yang, a décrit ce moment comme « symbolique » mais aussi solennel, rappelant les conflits en cours à Gaza, en Ukraine et au Soudan, ainsi que les défis croissants pour le multilatéralisme.
Il a exhorté les nations à choisir la diplomatie plutôt que la force et à défendre la vision de paix et de dignité humaine inscrite dans la Charte : « Nous devons saisir ce moment et choisir le dialogue et la diplomatie plutôt que les guerres destructrices. »
Le Secrétaire général António Guterres a repris cet appel, avertissant que les principes de la Charte sont de plus en plus menacés et doivent être défendus comme le socle des relations internationales.
« La Charte des Nations Unies n’est pas optionnelle. Ce n’est pas un menu à la carte. C’est le fondement des relations internationales », a-t-il déclaré, soulignant la nécessité de réaffirmer ses promesses « pour la paix, pour la justice, pour le progrès, pour nous, les peuples ».
Carolyn Rodrigues-Birkett, Présidente du Conseil de sécurité pour le mois de juin, a insisté sur l’urgence d’une action collective renouvelée face aux nouvelles menaces mondiales.
« Que ce 80ᵉ anniversaire de la Charte soit non seulement une occasion de réflexion, mais aussi un appel à l’action », a-t-elle exhorté.
Unir nos forces pour maintenir la paix et la sécurité internationale
Il y a quatre-vingts ans, le 26 juin 1945, des délégués de 50 pays se sont réunis à San Francisco pour signer un document qui allait changer le cours de l’histoire.
Forgée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par une génération marquée par la Grande Dépression et l’Holocauste, et ayant tiré les leçons douloureuses de l’échec de la Société des Nations, la Charte des Nations Unies représentait un nouveau pacte mondial.
Son préambule – « Nous, peuples des Nations Unies » – traduisait la détermination à prévenir de futurs conflits, à réaffirmer la foi dans les droits humains, et à promouvoir la paix et le progrès social.
Ce même document, préservé par les Archives nationales des États-Unis, est revenu, pour la première fois depuis des décennies, au cœur de l’institution qu’il a fondée.
Désormais exposée au Siège de l’ONU jusqu’en septembre, la Charte originale se dresse comme un symbole puissant : non seulement d’une promesse passée, mais aussi d’un engagement durable envers le multilatéralisme, la paix et un but commun.
Promouvoir le progrès social et de meilleures conditions de vie
D’autres voix – celles des présidents du Conseil économique et social (ECOSOC) et de la Cour internationale de Justice (CIJ) – se sont également exprimées, réaffirmant la pertinence de la Charte et la nécessité de la défendre.
Bob Rae, Président de l’ECOSOC, a replacé l’ONU dans une perspective historique, rappelant que l’organisation n’a que huit décennies d’existence dans un monde vieux de plusieurs millénaires.
« Nous avons aujourd’hui l’avantage de pouvoir examiner lucidement ce que nous avons accompli, tout en reconnaissant nos réussites et nos échecs », a-t-il déclaré, brandissant un exemplaire de la Charte ayant appartenu à son père.
« Les Nations Unies ne sont pas un gouvernement et la Charte n’est pas parfaite », a-t-il ajouté, « mais elles ont été fondées avec de grandes aspirations et beaucoup d’espoir ».
Le président de la Cour internationale de Justice, le juge Yuji Iwasawa, a souligné les progrès réalisés depuis 1945 mais aussi les défis toujours présents.
« En 80 ans, depuis que les rédacteurs de la Charte ont reposé leurs plumes, la communauté internationale a accompli des avancées remarquables. Mais elle fait aussi face à de nombreux défis », a-t-il dit. « La vision des rédacteurs de la Charte, consistant à défendre l’état de droit pour maintenir la paix et la sécurité internationales, reste non seulement pertinente mais indispensable aujourd’hui. »
Réaffirmer l’engagement envers les droits humains fondamentaux
En rappelant que la Charte s’adresse non seulement au passé mais aussi aux générations futures, Jordan Sanchez, une jeune poète, est montée sur scène.
Son poème Let the Light Fall n'évoque pas de déclarations, mais des sentiments d’espoir et une vision d’un monde meilleur.
« Que la lumière se pose », a-t-elle commencé, « sur des visages abattus, cachés dans l’ombre du mépris… que les enfants puissent courir vers la lumière de ton visage, vers la chaleur de ta présence et la paix de ton calme. »
Elle a évoqué un monde de sécurité et d’abondance, un Éden restauré :
« Il n’y a pas de peur, seulement l’abondance, la sécurité, la certitude qu’il y aura toujours assez de lumière pour moi. »
« Soyons assez audacieux pour la saisir, assez humbles pour nous y plonger, assez aimants pour la partager, et assez enfants pour vraiment y croire. »
L’égalité des droits entre hommes et femmes
Alors que le monde célèbre les 80 ans de la Charte de l’ONU, il est important de rappeler que sa promesse d’égalité entre hommes et femmes a été durement acquise dès le départ.
En 1945, seules quatre femmes figuraient parmi les 850 délégués réunis à San Francisco pour signer le document, et à peine 30 pays représentés accordaient le droit de vote aux femmes.
Dans un podcast d’ONU Info en 2018, des chercheurs avaient mis en lumière ces pionnières trop souvent oubliées et questionné pourquoi les femmes qui ont contribué à façonner la vision fondatrice de l’ONU sont si souvent absentes de son récit historique.