Du foyer à l’entreprise : mettre fin aux violences économiques
Extrait du Baromètre des violences économiques, réalisé par l’Ifop pour Les Glorieuses avec le soutien d’ONU Femmes France, mettant en lumière l’ampleur de ces violences souvent invisibles.
Le 23 juillet 2025, ONU Femmes France a organisé un webinaire intitulé « Du foyer à l’entreprise : lutter contre les violences économiques à tous les niveaux », à l’occasion des 60 ans de la loi du 13 juillet 1965. Cette loi historique a permis aux femmes mariées d’ouvrir un compte bancaire et de travailler sans l’autorisation de leur mari – un jalon majeur de l’émancipation économique.
Pourtant, six décennies plus tard, les violences économiques persistent et demeurent trop souvent invisibles. En France, 1 femme sur 4 est victime de violences économiques de la part de son partenaire. Et dans 90 % des cas, ces violences empêchent les victimes de quitter leur conjoint violent.
Qu’entend-on par violences économiques ?
Les violences économiques se définissent comme toute stratégie de contrôle ou de privation des ressources financières visant à maintenir une personne dans une situation de dépendance. Cela peut prendre la forme d’un conjoint qui confisque une carte bancaire, vide un compte commun, empêche sa partenaire de travailler, l’endette à son insu, ou encore refuse de payer une pension alimentaire. Invisibles au premier regard, ces violences constituent pourtant l’un des moyens les plus puissants de priver une femme de sa liberté.
Ces violences s’inscrivent dans un cadre plus large d’inégalités économiques. En France, les femmes disposent en moyenne de 22 % de revenus en moins que les hommes sur l’ensemble de leur vie, retraites incluses. Elles sont surreprésentées dans les emplois précaires, occupent moins souvent des postes de direction et assument encore la majorité du travail domestique non rémunéré. Ces inégalités structurelles renforcent la vulnérabilité face aux violences économiques et rendent plus difficile la possibilité de s’en libérer.
Une emprise silencieuse mais dévastatrice
Lors du webinaire, Caroline Soulié, membre du Comité Exécutif de BNP Paribas Personal Finance et présidente du réseau Ex Æquo, a rappelé que les violences économiques ne se limitent pas au contrôle direct de l’argent. Ces violences se traduisent par le contrôle ou la privation de ressources : cartes bancaires confisquées, comptes vidés, pensions alimentaires non versées. Souvent difficile à identifier, cette emprise compromet directement l’autonomie et la sécurité des femmes.
Ces violences s’entremêlent presque toujours avec d’autres formes de violences conjugales : 71 % des victimes déclarent en avoir également subi sur le plan économique. Et dans une société où les femmes disposent en moyenne de 22 % de revenus en moins que les hommes sur l’ensemble de leur vie, retraites incluses, cette dépendance financière les enferme encore davantage.
Un cadre légal encore insuffisant
Si la loi de 2010 a introduit la notion de violences économiques dans les violences conjugales, aucune incrimination spécifique n’existe dans le Code pénal. Ce manque freine la reconnaissance des victimes et limite les possibilités d’action.
Le rôle crucial des entreprises
Face à ce constat, les entreprises ont un rôle majeur à jouer. Les banques, par exemple, peuvent former leurs équipes à détecter des signaux de vulnérabilité, offrir des comptes sécurisés aux femmes en danger, ou encore accompagner la prévention du surendettement.
Ailleurs, des initiatives inspirantes montrent la voie : en Angleterre, certaines agences bancaires proposent des espaces sécurisés pour les femmes, tandis que de nouveaux outils, comme le baromètre des violences économiques, aident à mettre des mots sur des situations trop souvent invisibles.
Briser le silence, changer la culture
« Le problème central, c’est le silence », insiste Caroline Soulié. Pour y mettre fin, il faut agir à tous les niveaux : dans les entreprises, dans les institutions, dans les écoles, mais aussi dans la culture commune. L’indépendance économique est la première condition de la liberté et essentielle pour prévenir tout type d’emprise. Les femmes doivent savoir qu’elles ont le droit d’être libres, de gagner leur vie et de décider de leur destin.