Témoignage d’une défenseure afghane des droits humains
Mursal Samadi* a travaillé en tant que procureur, enquêtrice indépendante et leader de la société civile pendant plus de 16 ans en Afghanistan. Lorsque les talibans ont pris le contrôle de Kaboul le 15 août dernier, elle a choisi de rester en Afghanistan afin de continuer à défendre les droits des afghanes.
« J'avais l'habitude d’interagir avec la ministre de la condition féminine qui réunissait des femmes représentantes de la société civile pour discuter de la façon dont nous pouvions travailler ensemble. Le gouverneur de la province m’a récompensée, ainsi que mon organisation pour les services que nous avons fournis aux femmes et aux filles confrontées aux violences conjugales.
Le fait que les femmes se réunissaient et travaillaient ensemble me permettait de tenir bon.
Nous vivons à présent dans une réalité différente. Les jours passent lentement… Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai été occupée. Je ne vais au travail que deux fois par semaine, seulement jusqu'à midi et mon neveu porte mon ordinateur portable pour moi. Je ne veux pas que les gens sachent que je vais travailler.
Il a toujours été nécessaire de soutenir les femmes et les filles, de garantir l'accès à des services vitaux lorsqu'elles tentent d’échapper aux violences conjugales. En tant qu’avocate, je suis tombée sur des affaires judiciaires où les normes sociales étaient considérées au-dessus de la loi, où l'adultère était toujours de la faute d'une femme, où les hommes étaient rarement reconnus coupables de quoi que ce soit. La loi sur la fin des violences à l'encontre des femmes dont nous disposions n'était pas parfaite, mais elle garantissait la protection des droits des femmes et des filles et nous permettait, à nous, actrices du système judiciaire, de montrer aux auteurs qu'ils pouvaient être punis pour leurs actes. Le vide laissé par l'absence de cadre législatif sera comblé par des exécutions sans procédure régulière. Les femmes juges seront remplacées par des hommes, lesquels continueront à renforcer les normes sociales qui blâment les femmes.
Les hommes avaient pris l'habitude de s'abstenir de commettre des actes violents car les médias en parlaient, le système judiciaire les sanctionnait, le ministère de la condition féminine prenait des mesures actives pour empêcher que les violences se produisent. Nous n'avons plus rien de tout cela et je pense que les violences conjugales ont redoublé. Les femmes ne peuvent plus faire confiance à personne.
Quand je pense à l'avenir de mon pays, mes sentiments sont mitigés. Nous voyons encore des femmes se voir refuser leur droit au travail et les manifestations pacifiques menées par des femmes sont réprimées par la force. Ce dont mon pays a besoin, c'est d'un gouvernement inclusif.
En tant que femme afghane, j'encourage la communauté internationale à continuer de faire respecter, défendre et protéger les droits des femmes et des filles afghanes. Avant, nous pouvions parler publiquement de nos défis, nous pouvions nous réunir et trouver des solutions. Maintenant, nous vivons dans la peur et ne pouvons plus nous entraider comme nous le faisions auparavant. »
PRÉSENTE EN AFGHANISTAN DEPUIS PLUS DE DIX ANS, ONU FEMMES S’ENGAGE À AIDER LES FEMMES ET LES FILLES AFGHANES EN FOURNISSANT DES SERVICES VITAUX, DE L’AIDE SUR LE TERRAIN. ELLE FACILITE L’ACCÈS DES FEMMES DIRIGEANTES AFGHANES AUX FORUMS INTERNATIONAUX AFIN DE FAVORISER LE PROGRÈS INCLUSIF ET LA PAIX.
*Les noms et le déroulement des événements ont été modifiés dans cet article afin de garantir la sécurité de la personne interviewée.