Lutter contre les mariages forcés : un impératif

Alors que les Philippines viennent d’interdire les mariages d’enfants, marquant une avancée historique pour le respect des droits humains dans le pays, ces pratiques néfastes demeurent largement répandues à travers le monde et affectent les femmes et les filles en particulier. Y mettre un terme est une nécessité.

Des risques de mariages forcés grandissants en contexte de crise

Le mariage forcé désigne toute union, qu'elle soit civile, religieuse ou coutumière dans laquelle au moins une des deux personnes concernées, parfois les deux, ont subi des menaces et/ou des violences pour les y contraindre. Il concerne des personnes mineures, on parle alors de mariage précoce ou d’enfant, mais aussi majeures (1).

En France, alors que la loi exige le consentement mutuel entre les futur·e·s époux·ses, le mariage forcé existe toujours. En 2020, le nombre de victimes ayant contacté le dispositif d’accompagnement SOS mariage forcé est estimé à 173. 98% d’entre elles étaient des femmes et des filles dont 37% âgées de moins de 20 ans, et 8% de mineures (2). Cette pratique affectant de manière disproportionnée les femmes et les filles, le mariage forcé fait partie intégrante des violences basées sur le genre. Prenant racine dans les inégalités profondément ancrées et les abus de pouvoir structurels, ces dernières définissent l’ensemble des actes nuisibles dirigés contre une personne ou un groupe de personnes en raison de leur identité de genre (3). Les femmes et les filles sont de fait davantage exposées au risque d’être mariées contre leur gré.

À l’international, selon un rapport d’UNICEF, 650 millions de femmes et de filles ont été mariées avant leur majorité. Des évolutions sont néanmoins à constater à l’instar des Philippines, où les mariages d’enfants sont désormais interdits par une récente loi qui criminalise ces pratiques. L’État philippin les reconnaît dorénavant comme maltraitantes et allant à l’encontre de la dignité des enfants. Cette nouvelle législation est cruciale pour la protection des droits fondamentaux des filles étant donné qu’une Philippine sur six est en moyenne mariée avant ses 18 ans. (4)

Cet exemple d’avancée reste tout de même fragile face à la menace que constituent les crises. En l'absence de réels efforts de prévention, on estime que 10 millions de filles supplémentaires risquent d'être mariées sans leur consentement d’ici à 2030 en raison de la pandémie de Covid-19. Outre le plan sanitaire, l’actualité géopolitique ne fait que confirmer la hausse des mariages forcés en contexte de crise. C’est notamment le cas du Pakistan ou encore de l’Afghanistan où des familles, faute de moyens de subsistance suffisants, font le choix désespéré d’offrir leurs filles mineures en mariage en échange d’une dot.

Une pratique encore largement répandue aux conséquences néfastes multiples

Les victimes de mariages forcés sont exposées à plusieurs types de violences et différents mécanismes de contraintes peuvent s’exercer à leur encontre. Parmi ces risques, nous pouvons citer les violences sexuelles dont les personnes mariées contre leur volonté sont régulièrement victimes telles que le viol conjugal. Ce dernier fait référence à tout acte de pénétration non consenti commis par un·e partenaire intime, y compris dans le cadre de relations matrimoniales.

Les victimes de ces pratiques culturelles sont, plus largement, exposées aux violences domestiques qui se manifestent au sein du foyer. Tendant à être banalisées, celles-ci englobent toutes sortes de menaces ou d’actes physiques, sexuels, émotionnels, économiques, psychologiques et constituent l’une des formes de violences faites aux femmes les plus répandues au monde. (5) Les facteurs des mariages forcés sont véritablement systémiques et les conséquences néfastes qui en découlent sont multiples.

Enfin, le plus souvent, une femme ou une jeune fille contrainte d’être mariée dépend financièrement de son mari qui peut contrôler voire interdire durablement son accès à l’éducation ou au travail. Face à la gravité des répercussions engendrées par ce type de violence économique, l’éducation, au-delà d’instituer un droit fondamental pour chacun·e, représente un réel levier d’émancipation des femmes et des jeunes filles. Continuer à recevoir un enseignement constitue donc un moyen de s’autonomiser. La poursuite de la scolarité est aussi essentielle en ce qu’elle concourt à la réduction des inégalités de genre.

Les mariages forcés contribuent à véhiculer des normes sociales et culturelles sexistes et discriminatoires qui limitent les perspectives d’avenir des femmes et des filles qui se retrouvent en situation d’isolement, de précarité et, a fortiori, de vulnérabilité. Ils constituent une menace particulière pour la santé des adolescentes compte tenu du risque de transmission du VIH/sida et de grossesses non-désirées pouvant notamment entraîner des complications médicales. À cet égard, la sensibilisation et la prévention apparaissent comme des solutions pérennes dans la nécessité de mettre fin à ces actions nuisibles.

La mobilisation d’ONU Femmes : des législations aux actions sur le terrain

ONU Femmes a entrepris une étude multi-pays (6) sur les meilleures pratiques pour légiférer efficacement afin d'accélérer les efforts dans la lutte contre ces actes néfastes. L’objectif tient au fait de tirer des conclusions documentées pour les partager aux pays en cours de réformes sur ces questions ou qui envisagent d’en faire.

Depuis cinq ans, l'Assemblée générale des Nations unies et le Conseil des droits humains publient par ailleurs des résolutions annuelles sur les mariages précoces et/ou forcés, en appelant les États à fixer l'âge minimum légal du mariage à 18 ans et ce sans exception. À cette fin, ONU Femmes priorise la dimension législative et juridique de ces pratiques par le biais de nombreux points d'entrée à l’image de l'initiative Spotlight. Pensé comme une stratégie à long terme, ce partenariat pluriannuel mondial vise à élargir l’engagement communautaire afin de protéger les femmes, les filles ainsi que leurs droits, comme en témoigne le rôle des chef.fe.s traditionnel.le.s. ONU Femmes se mobilise ainsi sur le terrain pour lutter contre ces dérives et veiller à la réinsertion des filles à l’école. Découvrez l’histoire de Malti Tudu, bénéficiaire d’un programme d’ONU Femmes qui œuvre pour mettre fin aux mariages d’enfants dans le monde.

(1) Source : https://arretonslesviolences.gouv.fr/besoin-d-aide/mariage-force 

(2) Source : association Voix de Femmes

(3) Source : ONU Femmes

(4) Source : Plan International

(5) Source : ONU Femmes

(6) Source : ​https://africa.unwomen.org/en/digital-library/publications/2018/multicountry-fgm