Travailler avec les chef.fe.s traditionnel.le.s pour mettre fin aux mutilations sexuelles féminines
Au Liberia et au Nigeria, les chef.fe.s traditionnel.le.s ont un rôle clé à jouer dans l'évolution des normes sociales et dans la mise en place des changements nécessaires pour mettre fin aux mutilations sexuelles féminines (MSF)*.
Yatta Fahnbulleh, ancienne praticienne traditionnelle de MSF à Tienii, Comté de Grand Cape Mount, Liberia.
Au Liberia, 50% des filles et des femmes âgées de 15 à 49 ans ont subi des mutilations sexuelles sans leur consentement.
« Nous avions l'habitude d'enseigner aux filles comment se comporter en présence de personnes plus âgées, en tressant les cheveux et en étant pudiques », explique Kema Dahn, un chef communautaire et ancien praticien des mutilations sexuelles féminines.
« Mais nous ne pratiquons plus les mutilations sexuelles féminines car nous avons réalisé qu'elles n'étaient pas utiles. » Kema Dahn est l'un des 300 ancien.ne.s praticien.ne.s qui ont bénéficié du programme Alternative Economic Livelihood. Lancé en 2019 par ONU Femmes dans le cadre de l'initiative Spotlight, ce programme vise à éliminer les violences à l’encontre des femmes et des filles.
Des motivations financières plus que culturelles ?
Les mutilations sexuelles féminines ne sont pas seulement pratiquées pour des raisons culturelles, mais aussi financières. Pour cela, le programme d’action offre des moyens de subsistance pour une agriculture intelligente face au climat et propose une formation à la gestion d'entreprise aux ancien.ne.s praticien.ne.s, afin qu'elles.ils puissent abandonner rapidement ces pratiques néfastes.
Yatta Fahnbulleh était la propriétaire de l'une des plus grandes écoles de brousse dans le nord-ouest du Liberia, où elle initiait les filles à l'âge adulte par une série de rituels traditionnels au cours desquels l’excision était pratiquée. Grâce à ONU Femmes, l’école de brousse a été remplacée par un centre professionnel de formation. « Après 35 ans, le temps est venu pour moi de changer de métier. Je suis heureuse d'avoir la possibilité d'apprendre à nouveau pour obtenir un revenu régulier », déclare Fahnbulleh. « Je vois ce nouveau projet comme une opportunité de changer de vie. » La création de ce centre a surtout été bénéfique pour les filles, puisqu’il leur a permis d’être moins exposées aux excisions.
Les chef.fe.s traditionnel.le.s, indispensables à l’évolution des normes sociales
Les chef.fe.s traditionnel.le.s occupent une place privilégiée pour travailler avec leurs communautés afin de lutter contre les pratiques culturelles néfastes qui nuisent à la santé et à la sécurité des femmes et des filles. Travailler avec, plutôt que contre elles.eux, est crucial pour mettre fin à ces pratiques en Afrique de l’Ouest.
Des progrès ont été réalisés en matière d'adoption et de renforcement des lois à l’instar du Liberia pour éliminer les violences sexistes. En octobre 2020, le Président libérien a déclaré le viol comme une urgence nationale, renforçant ainsi les lois officielles visant à mettre fin aux pratiques culturelles néfastes. Pendant des années, l'application et la mise en œuvre des lois en matière de genre ont été partiellement entravées par la connaissance insuffisante des lois par les chef.fe.s traditionnel.le.s et communautaires.
Face à cela, en 2020, 125 chef.fe.s traditionnel.le.s (51 femmes et 74 hommes) ont suivi des formations sur les lois libériennes, en particulier, sur le viol, les violences domestiques mais également l'héritage, et chacun.e d'entre elles.eux a signé une résolution pour s'engager à soutenir pleinement l'utilisation du cadre juridique officiel pour mettre fin aux violences faites aux femmes. Ces leaders sont désormais des champion.ne.s du changement et assurent le suivi des interventions de prévention des mutilations sexuelles féminines dans les régions plus reculées.
Le COTLA s’engage contre les violences à l’encontre des femmes
En juin 2021, dans le Nigeria voisin, le Conseil des chef.fe.s traditionnel.le.s et culturel.le.s d'Afrique (COTLA) s'est finalement engagé à redoubler d'efforts pour mettre fin à toutes les formes de violence à l'encontre des femmes et aux pratiques traditionnelles néfastes dans tout le pays.
Lors d'une récente réunion avec ONU Femmes, le secrétaire général du COTLA, le Roi Adedapo Aderemi, a affirmé le rôle des chef.fe.s traditionnel.le.s dans le changement des normes sociales et des stéréotypes négatifs. « À travers notre organisation, nous ne sommes pas des spectateurs, nous sommes des défenseurs actifs de l'établissement de lois et de politiques qui mettent fin aux mariages précoces et infantiles dans nos communautés et créent des espaces sûrs. » a affirmé le Roi Adedapo Aderemi.
Ce travail est mené par ONU Femmes dans le cadre de l'Initiative Spotlight, un partenariat mondial et pluriannuel entre l'Union européenne et les Nations Unies pour éliminer toutes les formes de violence contre les femmes et les filles. En Afrique, l'Initiative Spotlight vise à éliminer les violences sexuelles et sexistes, y compris les pratiques néfastes, et elle renforce actuellement les initiatives existantes contre les MSF et les mariages forcés dans toute la région.
À l’occasion de la Journée internationale de tolérance zéro à l'égard des mutilations sexuelles féminines, soutenez les actions d’ONU Femmes vers la suppression totale des pratiques culturelles néfastes.
*Les Mutilations sexuelles féminines (MSF) - aussi appelées Mutilations génitales féminines (MGF) - définissent l’ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux des femmes ou des filles pour des raisons non médicales. Ces pratiques ne présentent aucun avantage pour la santé des femmes, au contraire elles peuvent avoir des conséquences néfastes, voire mortelles, sur les plans physique, mental, sexuel et reproductif.