Féminicides : état des lieux de la situation dans le monde

Visuel - Féminicides - état des lieux de la situation dans le monde.jpg

Crédits : UN Women/Dzilam Mendez - À Mexico, une installation artistique composée de signes de Vénus, représentant des femmes, souligne l’ampleur du fémicide, ou violence mortelle contre les femmes. (Mars 2018)

En 2017, 50 000 femmes ont été tuées dans le monde par un partenaire intime ou un membre de leur famille. Une situation qu’ONU Femmes France a souhaité mettre en lumière, en ce mois d’Orange Day.

Né de la contraction des mots “féminin” et “homicide”, le terme “féminicide” s’est popularisé à la fin du XXe siècle par le biais de l’ouvrage de deux sociologues anglophones (Jill Radford et Diana E.H. Russell) - paru en 1992 -, “Femicide : The Politics of Woman Killing”. Si l’Organisation mondiale de la santé le désigne aujourd’hui comme “l’homicide volontaire d’une femme”(1), ce mot d’usage aurait d’abord été introduit sous forme d’adjectif dans un article consacré au corset dans l’hebdomadaire Le Monde illustré, en 1863. Puis, il aurait été repris, en 1902, par la journaliste et écrivaine française, Hubertine Auclert, afin de dénoncer une « loi féminicide dirigée contre les femmes » dans le quotidien, Le Radical

Aujourd’hui, les féminicides sont majoritairement commis par des hommes. En effet, sur les 87 000 femmes tuées en 2017, 58 % d’entre elles ont été tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille, selon le rapport 2019(2) de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), dédié aux homicides liés au genre.

Origines et mode opératoire 

Bien que les hommes soient, à l’échelle mondiale, les principales victimes d’homicide (81 % d’hommes tués contre 19 % de femmes), ce sont les femmes qui sont le plus assassinées par leur partenaire intime ou un membre de leur famille (64 % de femmes, contre 36 % d’hommes). “Beaucoup de victimes de féminicide sont tuées par leurs partenaires actuels et passés, mais aussi par leurs pères, frères, mères, soeurs et autres membres de la famille en raison de leur rôle et de leur statut de femme.” précise l’étude de l’UNODC. 

Etude unodc.png

Les féminicides sont liés à plusieurs causes. Tout dépend du contexte socioculturel dans lequel se trouve la victime. À ce jour, l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, identifie 11 formes de féminicides (3) : 

  • un meurtre à la suite de violences conjugales

  • une torture et un massacre misogyne

  • un assassinat au nom de “l’honneur” (souvent commis par les familles originaires du proche orient ou du sous-continent indien, NDLR)

  • un meurtre ciblé dans le contexte des conflits armés

  • un assassinat lié à la dot des femmes

  • une mise à mort des femmes et des filles en raison de leur orientation sexuelle

  • un assassinat systématique de femmes autochtones

  • un foeticide et un infanticide

  • un décès à la suite de mutilations génitales

  • un meurtre après accusation de sorcellerie

  • d’autres meurtres sexistes associés aux gangs, au crime organisé, au narcotrafic, ou encore à la traite des personnes et à la prolifération des armes légères.

En France, l’étude relative aux morts violentes au sein du couple(4), menée par le ministère de l’Intérieur, distingue quant à elle 10 mobiles : la dispute (43 cas), la séparation (28 cas), la maladie ou vieillesse de la victime (16 cas), les problèmes psychiatriques et la dépression (9 cas), la jalousie (8 cas), les causes multiples (5 cas), la maladie ou la vieillesse de l’auteur (1 cas), les difficultés financières, les victimes de violences, ainsi que l’inconnu (pour ces trois dernières causes, il a été impossible de déterminer le nombre de cas, NDLR)

Capture d’écran 2019-11-25 à 13.46.57.png

Concernant les modes opératoires, l’étude montre que dans la majorité des cas (66,1 %), les hommes ont eu recours à une arme (arme blanche, arme à feu ou encore arme à destination). Viennent ensuite la strangulation (20) et les coups (15). Enfin, le rapport de l’UNODC indique que “dans quatre des cinq régions du monde, la maison est l’endroit le plus dangereux pour une femme”.

Un fléau mondial

Les féminicides touchent les femmes issues de tous les continents. Si l’on compare le nombre de féminicides par région du monde, on observe que l’Asie arrive en tête avec 20 000 femmes assassinées en 2017, devant l’Afrique (19 000), le continent américain (8 000), l’Europe (3 000), et l’Océanie (300). Néanmoins, avec un taux d’homicides conjugaux/familiaux de 3,1 pour 100 000 femmes, l’Afrique est la région où les femmes ont le plus de risques de se faire tuer par un partenaire intime ou un membre de la famille. L’Europe est, quant à elle, le continent où le risque est le plus faible (0,7 pour 100 000 femmes), bien après le continent américain (1,6), l’Océanie (1,3) ou encore l’Asie (0,9). 

À l’échelle européenne, c’est l’Allemagne qui compte le plus de victimes tuées par un conjoint ou ex-conjoint. En effet, selon le dernier rapport de l’Eurostat, l’Allemagne compte 189 femmes tuées en 2017. Derrière elle, la France avec 123 meurtres, puis la Roumanie (83), le Royaume-Uni (70), l’Italie (65), et l’Espagne (54). Il n’est pas anodin de rappeler que le 22 novembre dernier le collectif français, “Féminicides par compagnons ou ex” a annoncé le décès d’une 137e femme, depuis le 1er janvier 2019.

En Amérique Latine, c’est le Mexique qui semble être en tête de liste. Depuis le début de l’année, 369 femmes ont été tuées, selon les données enregistrées par le secrétariat exécutif du système de sécurité publique national mexicain. Malgré ces chiffres, il faut rester attentif à la situation au Brésil. En effet, “selon les informations accessibles au public, 126 meurtres de femmes et 67 tentatives d'assassinat fondées sur le sexe ont été rapportées à ce jour en 2019. Ces rapports font référence à des cas enregistrés dans 159 villes du pays, réparties dans 26 États du Brésil (...). Selon les médias, dans l'État de Rio de Janeiro, 300 femmes sont assassinées en moyenne chaque année et dans l'État de São Paulo seulement, de janvier à novembre dernier, 377 femmes ont été assassinées”, indique un communiqué(5) de l’Organisation des États Américains (OEA).

En Asie, la Chine et l’Inde ont la triste réputation d’être les auteurs de nombreux meurtres de petites filles à la naissance. En Afrique, le Sénégal est considéré comme le pays le plus dangereux pour les femmes avec un taux de 87 % de victimes. Cependant, “au moins trois femmes meurent chaque jour sous les coups de leur mari, selon les dernières statistiques, qui montrent que les violences sexistes ont atteint des proportions catastrophiques” en Afrique du Sud, selon le quotidien de Johannesburg, The Citizen(6). Le manque d’études sur les situations en Asie, en Afrique et en Océanie, ne nous permet pas de donner plus de chiffres. 

Un long chemin vers la reconnaissance

Malgré cette situation alarmante, les féminicides peinent à être reconnus juridiquement dans le monde entier. Et ce, malgré l’éventail de programmes mis en place, par les organismes et associations, pour éliminer les violences faites aux femmes. 

La première reconnaissance juridique s’est faite en Amérique Latine, en 1994. Étant la région du monde où il a été enregistré le plus grand nombre de féminicides de tous les temps - plus de 26 200 femmes tuées au Mexique entre 2000 et 2014, par exemple - l’Amérique Latine a dû lancer, le premier instrument juridique régional contre les violences faites aux femmes. Il s’agit de la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme(7) - ou Convention de Belém do Para - rédigée le 9 juin 1994 et adopté le 6 septembre 1994. L’objectif de cette convention est de combattre et de condamner tous les types de violences à l’égard des femmes. Parmi les 34 pays signataires(8), figurent le Brésil et le Mexique, qui malgré cette convention enregistrent les plus grands taux de féminicides d’Amérique Latine. 

En Europe, le mouvement est plus timide. Seule l’Espagne se positionne comme pionnière de la lutte contre les violences faites aux femmes. La cause : la grande répercussion du féminicide d’Ana Orantes, en 1997, qui a complètement bouleversé l’opinion publique. Sur une chaîne locale espagnole, cette sexagénaire se confie sur les violences conjugales dont elle a été victime pendant plus de 40 ans. Moins de deux semaines après ces aveux, l’Espagne apprend qu’Ana Orantes est brûlée vive par son mari. Face à cette tragédie, le gouvernement espagnol décide de restructurer son Code pénal de manière à mieux protéger les femmes. À présent, une femme victime de violences peut bénéficier d’une assistance psychologique et juridique gratuite. Elle peut également demander à ce que sa situation soit jugée rapidement par un tribunal entièrement spécialisé sur la question. Si l’accusé souhaite trouver un accord, il effectuera alors des travaux d’intérêt général et sera interdit d’approcher la victime pendant six mois. Si l’accusé nie les faits ou ne veut pas trouver d’accord, il sera sûrement amené à effectuer une peine de prison.  

Autre pays européen à avoir opté pour une reconnaissance juridique des violences à l’égard des femmes : l’Italie. Après avoir renforcé en 2013 les sanctions contre les violences conjugales, le gouvernement italien reconnaît depuis le cas de Gessica Notaro - personnalité publique italienne devenue le symbole de lutte contre les violences à l’égard des femmes, après avoir été attaquée à l’acide par son ex-compagnon, en janvier 2017 - la défiguration comme un crime machiste pouvant aller jusqu’à une peine de 15 ans de prison. 

Bien que le gouvernement français se soit récemment engagé à lancer le Grenelle des violences conjugales pour lutter contre les violences faites aux femmes, le terme “féminicide” n’a toujours pas réussi à trouver sa place dans le Code pénal. 

Lire aussi : Interview de Muriel Salmona, psychiatre experte en mémoire traumatique
Lire aussi :
Pour la reconnaissance pénale du féminicide en droit français


Sabrina Alves


Agir contre les violences faites aux femmes

Bracelet solidaire brodé main

Imaginé par la créatrice Camille Enrico, ce bracelet plaqué or est habillé d’un pendentif gravé du symbole d’égalité d’ONU Femmes et brodé à la main.

Pour chaque bracelet acheté, 30€ sont reversés au Fonds dédié à la lutte contre les violences des Nations Unies et permet de prendre en charge une survivante de violences dans un centre où elle trouvera une assistance médicale et légale.

  • Composition : laiton recouvert d'or 24k et de fils de lurex

  • Longueur de chaîne : 17cm

  • Montée sur une bélière, l'amulette de ce bracelet est amovible

  • Fabriqué en France.

Couleur:
Quantité:
Ajouter au panier