Pour la reconnaissance pénale du féminicide dans le droit français

 
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À l’occasion de « Orange Day », la campagne annuelle des Nations Unies contre les violences à l’encontre des femmes et des filles qui a lieu du 25 novembre au 10 décembre, une coalition d’associations, sous la coordination d’ONU Femmes France, a été formée afin de promouvoir la reconnaissance spécifique du féminicide en droit français. 

Grâce au travail des associations féministes, nous parvenons enfin à lever le voile sur un phénomène répandu et ancien : le féminicide. 

Le bilan est alarmant, 121 femmes tuées par leur conjoint, concubin, partenaire (ou ex) en France en 2018. Ce sont, au 25 novembre 2019, plus de 130 les femmes assassinées, soit une femme tous les deux jours. Á ce jour, il n’existe pas de décompte officiel des féminicides non intimes en France, à savoir ceux qui ont eu lieu dans l’espace public en absence de relation d’intimité avec l’agresseur. 

Face à ce constat, la coalition demande la reconnaissance spécifique du féminicide dans le droit français. Elle permettra de mieux identifier ce phénomène et de pouvoir y consacrer les moyens et les ressources nécessaires pour lutter efficacement contre les violences faites aux femmes.

 « Nommer c’est dévoiler, et dévoiler c’est déjà agir » - Simone de Beauvoir

Face à l’échec de la prévention et du traitement des féminicides, la coalition demande :

1. La reconnaissance spécifique du féminicide dans le droit pénal français

Aujourd’hui, l’état du droit permet d’incriminer les violences conjugales au travers des circonstances aggravantes, mais le comportement incriminé demeure le même.
Notre demande ne vise pas à aggraver les peines prévues par le Code pénal, mais à distinguer un phénomène spécifique qui appelle la mise en place d’un dispositif propre, comme pour d’autres crimes, tel le terrorisme.
Ainsi, nous proposons le détachement des circonstances aggravantes pour les ériger en disposition autonome, et la création d’un article 221-4-1 du Code pénal qui présente les différentes circonstances des féminicides dans la sphère domestique et non domestique.

2. La création de juridictions spécialisées et d’un parquet dédié aux violences faites aux femmes

De la même façon qu’il existe un parquet national anti-terroriste et qu’il existe des juridictions spécialisées nous réclamons la mise en place d’une juridiction spécialisée assortie d’un parquet spécialisée sur les violences faites aux femmes et les féminicides.
Dans l’immédiat, cette progressive spécialisation pourrait passer à travers un pôle spécialisé du parquet contre les violences de genre et les féminicides pour centraliser les poursuites, en attendant de pouvoir créer également une juridiction spécialisée à l’instar de l’Espagne. 

3. Le développement d’une prévention professionnelle ciblée

En sus des actions de sensibilisation à grande échelle, nous souhaitons développer une prévention ciblée pour adresser notamment les professionnel.le.s de police, de justice et de santé – populations aux premiers rangs de la détection des violences et de leur qualification – pour ne plus attendre la mort de celles dont on savait qu’elles les subissaient.

4. L’engagement de la responsabilité de l’État et/ou de ses agents en cas de manquement

Nous souhaitons que soit engagée la responsabilité administrative de l’État et/ou la responsabilité disciplinaire de ses agents lorsque ceux-ci, avertis, n’auront pas agi ou auront agi dans le sens d’une obstruction de la justice. 

Consulter l’intégralité du plaidoyer

Cette action de plaidoyer a été dirigée par Mar Merita Blat, Vice-Présidente ONU Femmes France, et Isabelle Blin, membre du conseil d’administration, en collaboration avec une coalition d’associations : Conseil National des Femmes Françaises (CNFF), Coordination pour le Lobby Européen des Femmes (CLEF), Centre Européen du Conseil International des Femmes (CECIF), Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), Réseau Féministe « Ruptures », Forum Femmes Méditerranée, Regards de Femmes, association « Olympe ».

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Pauline Lannier