Crise à l’Est de la RDC : les femmes demeurent les premières victimes du conflit
Alors que les violences perpétrées par le groupe armé M23 se poursuivent dans l’est de la République Démocratique du Congo, les femmes et les filles sont en première ligne d’une crise humanitaire dévastatrice.
Dans l’est de la République démocratique du Congo, l’histoire se répète dans une violence sourde et meurtrière. Depuis des décennies, la région est déchirée par des conflits armés qui ne cessent d’alimenter une crise humanitaire d’une ampleur insoutenable.
En février, des milliers de personnes déplacées ont été forcées de quitter les camps autour de Goma après un ultimatum de 72 heures lancé par le groupe armé M23 à la suite de groupes rivaux dans ces camps. Plus de 100 000 personnes sont ainsi retournées dans des villes dévastées comme Sake, où elles ont retrouvé des habitations ravagées, aucun accès à l’eau, à l’électricité, ou à l’aide humanitaire.
Des violences sexuelles d’une ampleur inédite: chaque 4 minutes, une femme est violée
Les violences sexuelles atteignent un niveau alarmant dans l’est de la République démocratique du Congo, avec près de 900 viols en deux semaines recensés début février 2025. En 2024, plus de 130 000 cas ont été signalés, dont plus de 70 % dans les provinces du Nord- et Sud-Kivu. Ces violences, utilisées comme arme de guerre par des groupes armés comme le M23, visent à briser les communautés locales.
Les survivantes, en majorité femmes et filles, peinent à accéder aux soins d’urgence. Les structures de santé sont endommagées, les stocks de contraceptifs pillés, et le manque de financement freine les opérations de l’UNFPA, l’agence directrice des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive. Le délai critique de 72h pour une prise en charge efficace est souvent dépassé.
Les conséquences sont dévastatrices : VIH, grossesses non désirées, traumatismes psychologiques, exclusion sociale et précarité économique. Certaines femmes se retrouvent contraintes à l’exploitation sexuelle pour survivre. La suspension de l’aide américaine complique encore la situation. Sans soutien renforcé, des milliers de décès maternels, de grossesses non désirées et d’avortements non sécurisés sont à prévoir.
Des violences systémiques à l’encontre des enfants
Cette crise humanitaire n’épargne pas non plus les enfants, qui subissent des violences effroyables. Catherine Russell, directrice exécutive de l’UNICEF, a dressé un constat alarmant de la crise humanitaire : « un cauchemar de violences horribles et de besoins humanitaires galopants ». Depuis janvier, les violations graves contre les enfants ont doublé par rapport à 2024.
Selon l’UNICEF, près de 10 000 cas de viols et violences sexuelles ont été documentés en janvier et février 2025, et jusqu’à 45 % des victimes seraient des enfants. James Elder, porte-parole de l’agence, a alerté depuis Goma :
« Un enfant a été violé toutes les trente minutes. » Il a dénoncé une « crise systémique », marquant une utilisation massive du viol comme « arme de guerre et tactique délibérée de terreur ».
Face à l’urgence, il appelle la communauté internationale à agir : renforcer la prévention, garantir des services centrés sur les survivant·es, et mettre en place des mécanismes sûrs pour signaler les abus.
« Les survivant·es doivent voir que le monde est à leurs côtés, pas qu’il leur tourne le dos. Et les auteurs doivent être jugés. »
Au coeur de la crise humanitaire: une employée d’ONU Femmes témoigne
Employée d’ONU Femmes en République démocratique du Congo, Anne-Marie Lurhakumnira Nabintu a dû fuir Goma en février 2024 après l’offensive du groupe armé M23. En 22 ans de carrière humanitaire, c’est la première fois qu’elle se retrouve dans la peau d’une déplacée, contrainte de fuir sous les tirs avec plus de 2 000 personnes, dont des collègues des Nations Unies :
« On était 2 027 personnes sous les bombes et les tirs ce jour-là. En 22 ans de travail dans l'humanitaire, je ne pouvais pas imaginer que c'était moi qui avais besoin d’aide. »
Responsable de projets pour la sécurité des femmes, elle souligne que la protection contre les violences sexuelles est la priorité absolue, avant même l’accès à l’eau ou à la nourriture. Elle évoque aussi l’importance de l’autonomisation des femmes, de leur leadership et de la cohésion communautaire face aux tensions inter-ethniques.
Elle raconte notamment l’histoire bouleversante d’une femme violée par des groupes armés, abandonnée par son mari. De survivante isolée, cette femme est devenue vice-présidente d’un centre communautaire pour femmes, malgré un second viol subi. Pour Anne-Marie, ces parcours incarnent la résilience et la force des femmes face à la guerre.
Un appel à la mobilisation diplomatique et humanitaire
La situation sécuritaire en RDC, notamment dans l’est, continue de se détériorer. Le 16 avril 2025, Huang Xia, envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, a tiré la sonnette d’alarme devant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Malgré les pressions internationales – de la part de l’ONU, de l’Union africaine et de l’Union européenne – les combats se poursuivent, en particulier dans les provinces du Nord- et Sud-Kivu.
Les groupes armés M23 et l’Alliance Fleuve Congo continuent leur avancée, forçant des milliers de civils à fuir vers les pays voisins. Face à cela, Huang Xia appelle à « redoubler d’efforts » et à renforcer les processus de paix de Nairobi et de Luanda, qui ont récemment abouti à une feuille de route commune. Deux femmes africaines ont été nommées facilitatrices, un signe encourageant pour une paix inclusive.
ONU Femmes intervient directement auprès des populations vulnérables, notamment en distribuant des kits de résilience à des centaines de femmes à Kinshasa. Ces kits contiennent des denrées alimentaires, des produits d'hygiène et des informations sanitaires essentielles, visant à atténuer les impacts économiques et sociaux de la crise sanitaire et sécuritaire.
👉 Face à l’escalade des violences, protégeons les femmes et les filles congolaises. Pour les soutenir concrètement :