Natalia Khamko : « Les femmes ukrainiennes font preuve d'une volonté incroyable, même si elles ont beaucoup de mal à s'en sortir. »

Natalia Khamko est directrice générale adjointe des ressources humaines à l'hôpital régional de Tchernihiv. Dès le début du conflit, Natalia s'est alliée à ses collègues médecins pour aider les patient.e.s civil.e.s et militaires de l'hôpital.

Natalia Khamko, Directrice générale adjointe chargée des affaires juridiques et des ressources humaines à l'hôpital régional de Tchernihiv. Crédit photo : ONU Femmes.

Comment vous êtes-vous retrouvée sur la ligne de front de la guerre ?

Nous n'avons jamais quitté notre poste. Nous sommes arrivé.e.s le 24 février et nous y sommes resté.e.s jusqu’au 15 avril.  Dès le 24 février, environ 350 personnes sont restées à l'hôpital pour fournir des soins médicaux 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et à la mi-mars, nous étions 750.

En un mois et demi, elles ont soigné plus de 1 100 blessé.e.s. Plus de 40 enfants d’employé.e.s se trouvaient à l'hôpital car leurs mères y travaillaient et l'hôpital était constamment bombardé. Nous n'avions ni électricité, ni eau, ni chauffage. Comme les ascenseurs ne fonctionnaient pas, les médecins ont porté les patient.e.s jusqu'aux salles d'opération situées aux étages supérieurs. Certains bâtiments de l'hôpital ont été presque entièrement détruits par les raids aériens.

Comment se sont déroulées les premières semaines de la guerre pour vous et votre équipe ?

Malgré les bombardements incessants, l'hôpital comptait jusqu'à 20 salles d'opération disponibles. Avant que l'hôpital ne soit équipé de générateurs, les médecins travaillaient avec des lampes frontales et des lampes de téléphone portable…

Il y a un passage souterrain dans l'hôpital régional dans lequel une femme enceinte y a vécu pendant longtemps. Elle ne voulait pas s'éloigner de sa maison, qui était très proche de la ligne de défense, parce que son mari militaire y était resté pour défendre Tchernihiv. Elle est restée avec nous jusqu'à son accouchement. 

La maternité a également été détruite et toutes les nouvelles mères sont restées dans le sous-sol avec leurs nouveau-né.e.s. Mais le danger et l'inquiétude partagée ont incroyablement rapproché les gens. Tout le monde a essayé d'aider autant qu'il le pouvait.

Je me souviendrai toute ma vie du jour où les Russes ont endommagé un gazoduc d'ammoniac à Tchernihiv à la suite d'un puissant bombardement. Il nous est apparu comme impératif de déplacer tous.te.s les patient.e.s, même les blessé.e.s graves, dans des abris anti-bombes afin de réduire le risque d'empoisonnement à l'ammoniac. Le directeur général a donné l'ordre de distribuer des respirateurs artificiels à tout le monde, alors nous sommes allé.e.s au bâtiment chirurgical pour les distribuer aux patient.e.s et au personnel médical. Lorsque je me suis approchée d'un blessé, je me suis rendue compte qu'il lui manquait deux membres supérieurs. Il avait été amputé au niveau de l'épaule. C'était très éprouvant, très difficile...

Combien de femmes travaillent aujourd'hui dans votre hôpital ?

Nous avons plus de 1 700 employé.e.s, dont plus de la moitié sont des femmes : infirmières, personnel paramédical et médecins.

Natalia Khamko. Crédit photo : ONU Femmes.

Pendant un mois et demi, j'ai observé les soins médicaux prodigués par nos médecins, infirmières, infirmières auxiliaires. À l'époque, il n'y avait pas de travail administratif, alors les autres cadres - directeur.ice.s généraux.les adjoint.e.s et infirmières en chef - et moi  avons exercé les fonctions d’assistant.e.s au personnel médical. Nous nettoyions les sols de l'unité de soins intensifs et de la zone de réception et roulions les bandages pour les services chirurgicaux. Nous avons un nombre considérable de soldat.e.s blessé.e.s, à qui il manque des membres et avec des blessures abdominales. C'est très dur. C'est effrayant. Nous avons reçu beaucoup d'aide humanitaire : nous avons déchargé des camions de médicaments et d'autres fournitures humanitaires. 

Les femmes font preuve d'une volonté et d'une endurance incroyables. A l’avenir, ce sont les femmes qui se chargeront de reconstruire l’Ukraine. C'est pourquoi il est important de les aider de toutes nos forces et de leur apporter le plus de soutien possible.

Source : ONU Femmes, Nataliia Khamko: "Ukrainian women demonstrate incredible will, even though they have a very difficult time", 25 janvier 2024. Accessible ici.

 

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