Crise du financement humanitaire : les droits des femmes en péril
La baisse des financements humanitaires menace les droits des femmes : enjeux et solutions
ONU Femmes Cameroun soutient la réhabilitation économique et sociale des femmes en situation de vulnérabilité et des survivantes de violences sexuelles et sexistes dans sept camps de réfugiés situés dans trois régions du pays. Cameroun, camp de réfugiés de Gado-Badzere, 2016. Photo : ONU Femmes/Ryan Brown.
Un nouveau rapport mondial d’ONU Femmes tire la sonnette d’alarme
La moitié des organisations dirigées par des femmes et des organisations de défense de leurs droits dans les zones touchées les crises humanitaires pourraient cesser leurs activités dans les six prochains mois en raison des baisses de financement. Cela pourrait avoir des effets dévastateurs sur des millions de femmes et de familles qui dépendent de leurs actions.
Dans le cadre d’une enquête mondiale menée par ONU Femmes, 90 % des 411 organisations de femmes actives dans 44 pays touchés par des crises ont déclaré souffrir de la réduction de l’aide étrangère.
Plus de 60% ont déjà réduit leurs activités, perturbant les soutiens vitaux apportés : urgences liées à la santé, lutte contre la violence fondée sur le genre, aide économique et solutions d’hébergement.
Qu’en est-il du financement des droits des femmes dans les crises humanitaires ?
Le système humanitaire mondial est soumis à une pression intense. En 2024, 44,79 milliards de dollars étaient nécessaires pour répondre à l’escalade des conflits et aux catastrophes, mais seulement 7% des besoins ont été couverts.
Dans le même temps, les principaux pays donateurs ont annoncé des réductions importantes de leur aide étrangère.
Si le système humanitaire dans son ensemble est contraint de réduire la voilure, les organisations locales et nationales dirigées par des femmes sont parmi les plus durement touchées, alors qu’elles jouent un rôle de premier plan dans la distribution de l’aide et l’accès aux communautés marginalisées.
Le saviez-vous ?
Entre 2021 et 2022, les organisations de défense des droits des femmes ont reçu moins de 1% des fonds destinés à l’aide humanitaire, à l’échelle mondiale, soit seulement 142 millions de dollars.
Beaucoup de ces organisations dépendent fortement des gouvernements donateurs qui réduisent leur aide à l’heure actuelle. Du Myanmar à la Palestine, en passant par le Soudan et l’Afghanistan, elles fournissent des services vitaux et jouent un rôle essentiel dans l’action humanitaire.
L'équipe d'ONU Femmes vérifie une cargaison d'aide humanitaire destinée aux femmes et aux enfants palestiniens. ONU Femmes Égypte, en collaboration avec la Société égyptienne du Croissant-Rouge, a livré de l'aide humanitaire dont les femmes et les enfants palestiniens de Gaza avaient désespérément besoin. Égypte, gouvernorat d'Ismaïlia, janvier 2024. Photo : ONU Femmes/Menna Negeda.
Pourquoi les baisses de l’aide humanitaire touchent-elles plus durement les femmes et les filles ?
Lorsque les organisations dirigées par des femmes et les organisations de défense des droits des femmes sont contraintes de réduire leurs activités ou de fermer, les femmes et les filles en situation de crise perdent l’accès à une aide essentielle et vitale.
À ce jour, 62 % des organisations interrogées déclarent avoir diminué leurs interventions. Dans les zones touchées par les crises, plus de 500 femmes et filles meurent chaque jour des suites de complications évitables liées à la grossesse et à l’accouchement. La majorité des restrictions (67%) touchent les services ayant pour mission de lutter contre la violence fondée sur le genre et à y mettre fin, puis les soins de santé et les moyens de subsistance.
Sans les organisations de défense des droits des femmes, les survivantes de violences fondées sur le genre ont moins de lieux sûrs où se réfugier, et la santé et la sécurité économique des femmes sont de plus en plus menacées.
À l’échelle nationale, les données récentes montrent à quel point ces interruptions de financement sont dévastatrices
En Afghanistan, 50% des organisations ont déclaré que les programmes destinés aux femmes étaient directement touchés par les baisses de financement.
En Ukraine, la situation est tout aussi alarmante :
72% des organisations dirigées par des femmes et des organisations de défense des droits des femmes ont signalé de graves perturbations dans leurs activités humanitaires et de développement.
Plus de 60% d’entre elles ont été contraintes de suspendre ou de réduire leurs services de lutte contre la violence fondée sur le genre, et les survivantes ont donc été privées d’un accès à des refuges sûrs, à une aide juridique ou à un soutien psychologique.
Enfin, 1 organisation sur 3 estime qu’elle pourrait cesser complètement ses activités dans les 6 mois, si elle ne trouve pas de financement de remplacement.
À l’échelle mondiale, les répercussions des baisses de financement sont particulièrement graves pour les personnes les plus marginalisées : les migrant·e·s, les réfugié·e·s, les personnes LGBTIQ+, les femmes âgées et les femmes en situation de handicap, dont les besoins spécifiques peuvent être invisibles et qui dépendent souvent de systèmes de soutien adaptés et fondés sur les droits, que seules les organisations féministes locales peuvent fournir.
Les données montrent que les programmes humanitaires tenant compte de la dimension de genre génèrent un retour sur investissement de 8 dollars pour chaque dollar investi. Pourtant, en 2024, seulement 1,3 % des fonds humanitaires étaient consacrés à la lutte contre les violences fondées sur le genre.
Les organisations de défense des droits des femmes sont essentielles dans l’action humanitaire
Les organisations de femmes ne sont pas seulement des prestataires de services : ce sont des cheffes de file et des défenseuses fiables.
Elles viennent en aide aux communautés défavorisées grâce à un soutien adapté à leur culture. Elles fournissent également des lieux sûrs, des services psychosociaux et une assistance juridique aux survivantes des violences fondées sur le genre. Elles veillent à ce que les voix des femmes soient entendues et prises en compte dans la planification humanitaire et les décisions politiques. Enfin, en favorisant l’autonomisation économique et sociale des femmes, elles contribuent à renforcer durablement la résilience des communautés.
Lorsque ces organisations sont sous-financées ou contraintes de fermer, c’est l’ensemble de l’action humanitaire qui perd en efficacité, en inclusivité et en responsabilité à l’égard des personnes qui en ont le plus besoin.
👉 Pour les soutenir concrètement :
En 2020, ONU Femmes, en collaboration avec Oxfam, a lancé « Means to Lead : Empowering Rohingya refugee and host community women through leadership, learning and livelihoods » en collaboration avec trois partenaires de mise en œuvre (Mukti Cox's Bazar, Bangladesh Nari Progati Sangha, Rohingya Women Welfare Society). Le projet vise à autonomiser les femmes réfugiées rohingyas en les dotant de compétences, en réduisant la violence à l'égard des femmes et en développant un leadership autonome. Bangladesh, Cox's Bazar. 2023. Photo : Oxfam/Istiak Karim.