Compte Rendu de la conférence "Sauver la planète, la nouvelle charge mentale des femmes"

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Sauver la planète, la nouvelle charge mentale des femmes ?

Le 2 juin 2020, plusieurs expertes, invitées par l’association Les Canaux, se sont retrouvées virtuellement pour échanger autour du changement climatique et des droits de femmes, à partir d’un constat commun : les femmes sont plus concernées par ces problématiques et plus actives dans leur engagement écologique, toutefois leur travail est encore trop souvent invisibilisé. Une conférence animée par Auriane Dumesnil, trésorière de Pépite Sexiste et cheffe du projet de La Résidence de l'Eau, à laquelle participait notamment Carlotta Gradin, vice-présidente plaidoyer d’ONU Femmes France.

Auriane Dumesnil : Solène Ducretot, qu’entend-on par écoféminisme ? On retrouve de nombreuses femmes dans les métiers dits “du care”, pourquoi et en quoi cela engendre cette fameuse charge mentale ? 

Solène Ducretot, co-fondatrice du Collectif Les Engraineuses et du festival Après La Pluie nous explique que l’'écoféminisme est un mouvement qui existe depuis longtemps. Le principe est qu’en traitant des questions d’égalité femmes-hommes et d’écologie de façon conjointe, on arrive à des solutions plus impactantes. L'écoféminisme a deux branches majeures : d’un côté, les matérialistes qui traitent des questions de terrain - par exemple comment trouver des solutions face à l’impact du changement sur les femmes -, de l’autre, une branche plus spirituelle qui parle d’une réappropriation, d’un héritage lié aux divinités féminines. 

C’est un mouvement hétérogène qui veut réinventer le monde de demain de manière différente, sortir d’une société pyramidale pour aller vers une société circulaire et égalitaire.

Solène Ducretot constate que, dans les métiers du care ce sont les femmes en majorité qui endossent ces rôles. Or aujourd’hui, ce sont des métiers très dévalorisés et précaires. L'écoféminisme intègre cette thématique comme il s’agit de prendre en compte le soin des personnes, de la société et de la planète au sens le plus large du terme, ce qui rajoute une charge mentale supplémentaire aux femmes. Cependant, selon elle, il existe des solutions et des actions à mettre en place pour alléger cette charge mentale. Il ne s’agit pas de faire tout toutes seules. En effet, l’un des sujets que prône l’écoféminisme est la sororité, l'entraide entre femmes mais aussi en tant que communauté. 

A.D. : C’est un sujet global qu’on retrouve partout sur la planète. Quel lien avez-vous pu établir entre justice climatique et genre grâce au projet “Gender & Climate Change “ de CliMates?

Selon Mouna Chambon, de CliMates, Manager du projet “Gender & Climate Change”, les liens entre genre et changement climatique ont longtemps été ignorés alors que les femmes sont affectées de manière différente et de manière plus importante que les hommes par le dérèglement climatique. Toutefois, selon elle, nous ne pouvons pas enfermer les femmes dans le rôle des victimes, elles sont surtout des actrices dans la lutte contre le changement climatique et inventent des solutions durables et innovantes. Malheureusement, ce travail n’est pas comptabilisé dans l’économie “formelle” et de fait reste très invisible, d’où l’importance de renforcer la place et le rôle des femmes dans les instances de décision. 

Mouna Chambon constate qu’il existe des différences entre les pays occidentaux comme la France, et ceux en développement, notamment sur le continent africain. Il n’y a pas un seul écoféminisme mais des écoféminismes. Dans les pays dits du sud, les luttes concernent la conservation des ressources naturelles et des écosystèmes car leur dégradation a des conséquences directes sur les conditions de vie des femmes. Un exemple emblématique est le groupe Chipko en Inde, groupe de femmes fondé dans les années 70 qui s’est mobilisé pour la sauvegarde de la forêt. Le pendant de ce mouvement en Afrique est le Green Belt Movement au Kenya, fondé dans les mêmes années par Wangari Muta Maathai pour répondre aux besoins des femmes dans leurs activités de tous les jours. 

A.D. : Avec ONU Femmes France, vous accompagnez de nombreux projets autour du développement durable, qu’avez vous pu constater sur le rôle des femmes du monde face au changement climatique ?

Carlotta Gradin, Vice Présidente plaidoyer d’ONU Femmes France, partage le constat de Mouna Chambon. Les femmes et les filles sont les premières victimes du dérèglement climatiques ; mais elles sont également les premières actrices du changement. En tant que productrices de plus de la moitié des denrées alimentaires dans le monde, ce sont elles qui possèdent les connaissances traditionnelles en matière d’environnement et de biodiversité. Elles sont des entrepreneuses d’énergies vertes et les premières à adopter des nouvelles techniques d’agriculture. Les nouvelles exigences dictées par le changement climatique et les mesures à adopter afin d’améliorer notre système peuvent représenter une vrai ressource pour les femmes et les filles et une opportunité pour leur autonomisation économique et leur émancipation. ONU Femmes mène des projets qui combinent l’amélioration des droits des femmes avec celle de l’environnement comme au Pérou, au Bangladesh et en Amazonie bolivienne. Carlotta Gradin souligne le lien avec l’actualité. La propagation du virus a multiplié les menaces pour les populations déjà fortement impactées par le changement climatique, notamment les femmes et les filles (via l’augmentation des violences conjugales, l’absence de soins, la précarité de leurs activités, etc.). La réponse à la crise du virus doit aller de pair avec celle du changement climatique. Elle doit tenir compte des besoins des femmes et des filles et les intégrer à la prise de décisions à tous les niveaux. 

A.D. : Katerina Dear, vous êtes un bel exemple de l’entreprenariat féminin, pouvez-vous nous raconter votre parcours et en quoi la biodiversité a un rôle central dans le développement durable ? 

Katarina Dear est la fondatrice de l’association Nature & Us qui a comme ambition de promouvoir plus de nature dans les villes. L’un des projets portés par l’association est celui des radeaux végétalisés. Ces derniers permettent de créer un espace vert sur des endroits qui ne sont pas exploités, comme par exemple, l’eau. Ce dernier sert de refuge à la faune et à la flore. Il permet, à travers les plantes, d’épurer l’eau et de filtrer l’air. Katarina Dear a constaté qu’avec la pandémie de Covid-19, l’actualité est riche d’enseignements : énormément d’activités humaines se sont arrêtées et nous avons observé plusieurs espèces de flore et faune plus proches des humains. Cela démontre que l’humain occupe beaucoup de place, à travers son habitat, la production agricole et industrielle et les ressources qu’il exploite. L’espace est très occupé mais aussi très saturé. Les femmes et les hommes ne sont pas les seul.e.s à subir l’impact de la pollution, cela a une répercussion sur toutes les autres espèces. Il faudrait avoir une approche moins égocentrique et plus globale, sans mettre l’humain au coeur de notre vision du monde.

Pour voir ou revoir la conférence, rendez-vous sur la chaîne Youtube des Canaux.

Carlotta Gradin et Lorelei Colin