Face à l’avalanche de violences en ligne envers les femmes, l’ONU appelle à réagir et protéger

À quelques semaines du lancement de la campagne annuelle mondiale d’ONU Femmes Orange the World, qui cette année met en lumière les violences numériques, la question des agressions en ligne contre les femmes et les filles devient plus urgente que jamais.

Violences numériques contre les filles et les femmes : comprendre et agir

 UNICEF - De nombreux enfants sont victimes d'abus en ligne.

Internet est devenu un terrain d’entraînement à la haine envers les femmes via la « manosphère », alerte Cecilia Suárez, actrice et ambassadrice mondiale des Nations Unies pour l’initiative Spotlight, lors d’une réunion en marge du débat général de l’ONU à New York, appelant à l’adoption rapide d’un cadre juridique pour réguler la toile. « Comment expliquer l’existence d’un forum Facebook réunissant 32 000 hommes, où chacun a partagé — sans consentement — des photos intimes de sa partenaire pour qu’elles soient notées par d’autres ? Que révèle un tel acte sur la place que ces hommes accordent aux femmes dans leur vie et, par extension, les femmes dans notre société ? », s’est indignée la championne de l’initiative Spotlight des Nations Unies, qui vise à mettre fin aux violences faites aux femmes et aux filles.

L’intelligence artificielle entraîne de nouvelles formes de violences numériques

Selon l’actrice mexicaine, l’apparition de l'intelligence artificielle s'accompagne d'une « avalanche » de nouvelles formes de violence numérique allant de l'extorsion au violences fondée sur l'image, de la divulgation de données personnelles au cyberharcèlement, du harcèlement sexuel au grooming en vue d'une agression sexuelle ou pédopiégeage, pour n'en citer que quelques-unes.

« Au cours des 12 derniers mois, 300 millions d’enfants ont été victimes d’exploitation sexuelle et d’abus en ligne », a-t-elle déploré.

On assiste à une croissance exponentielle des groupes opposés aux droits des femmes, ainsi qu'à l'émergence de nouvelles technologies qui renforcent les pensées et les actes misogynes, « à tel point qu'aujourd'hui, un nombre écrasant de jeunes garçons ne croient pas que les violences sexistes et sexuelles sont réelles et existent ».

Cecilia Suárez estime que « les intermédiaires technologiques doivent être tenus de détecter, d'évaluer et d'orienter, de manière proactive, le comportement de leurs utilisateurs, qui doivent être passibles de sanctions légales, le cas échéant ». Elle estime que les violences numériques que subissent les femmes et les filles ont des conséquences identiques aux violences physiques

Des hommes qui restent silencieux

Les violences sexistes et sexuelles ne touchent pas seulement les femmes et les filles, signale Cecilia Suárez. Elles imposent également aux hommes une image rigide, où exprimer le doute, la peine ou la vulnérabilité est perçu comme un signe de faiblesse.

Selon les études citées par Equimundo, une initiative partenaire de Spotlight qui lutte contre les violences sexistes et sexuelles et œuvre pour une masculinité positive, 40 % des jeunes hommes ont été victimes de harcèlement homophobe en ligne et de nombreux jeunes hommes sont victimes de « sextorsion ».

« La majorité des hommes ne commettent pas ces actes, mais beaucoup restent silencieux », a affirmé à son tour Gary Barker, PDG d’Equimundo.

Selon lui, c’est dans les salons de discussion, les plateformes de jeux, TikTok, YouTube,  tous ces lieux de rassemblement pour les jeunes hommes dénommés la « manosphère », qu’ils sont témoins de ces violences, voient leurs pairs en être responsables, sans pour autant agir pour y mettre fin.

« La plupart du temps, les garçons ne vont pas sur Internet pour chercher la misogynie. C'est la misogynie qui trouve les garçons sur Internet », déclare Gary Barker.

Selon une récente étude irlandaise, quel que soit le contenu qu’il recherche, un jeune homme connecté à Internet reçoit un message misogyne, en l’espace de seulement 23 minutes, une fois que l’algorithme sophistiqué a identifié son âge et son sexe.

Quelles sont les solutions ?

Gary Barker demeure toutefois optimiste : « 23 minutes, c'est beaucoup de temps pour nous permettre de déterminer ce qu'il faut faire ».

« Nous déployons des robots pour remplacer les messages misogynes par des contenus positifs, et mobilisons de nombreux influenceurs — souvent méconnus — parmi lesquels beaucoup de jeunes hommes qui s’engagent à combattre la misogynie. Nous investissons en eux pour qu’ils diffusent des messages constructifs ».

Le monde du jeu vidéo est également un espace dans lequel Equimundo s’implique.

« Nous investissons dans ces espaces en collaborant avec des créateurs de contenu, qui, bien que parfois perfectibles, acceptent de nous ouvrir leurs plateformes. Ensemble, nous développons des jeux où les jeunes hommes peuvent promouvoir une masculinité positive et saine ».

Cécilia Suárez s’est félicitée de la présence de deux jeunes garçons dans la salle.

« Nous avons besoin que les hommes se joignent à ce combat et, en tant que société, nous devons mettre en place une éducation qui s'adresse directement aux hommes », a-t-elle conclu.