Au Guatemala, investir dans l'autonomisation économique des femmes autochtones est essentiel pour reconstruire après le COVID-19

Au Guatemala, investir dans l'autonomisation économique des femmes autochtones est essentiel pour une meilleure reconstruction post COVID-19.

Depuis mars 2020, le Guatemala a enregistré plus de 600 décès dus au COVID-19 et plus de 11 000 infections. Au milieu de cette crise, les femmes autochtones ont continué à utiliser leurs voix, leurs connaissances et leurs capacités pour aider leurs communautés et adapter leurs moyens de subsistance. Leurs besoins et leurs préoccupations, mais aussi leur leadership doivent être placés au centre des plans de redressement du COVID-19.

Une solution contre les discriminations

María Tuyuc, 47 ans, pense que l'autonomisation économique est essentielle pour remédier aux discriminations et déficits auxquels les femmes autochtones continuent d'être confrontées au Guatemala. "Le moindre accès aux services, notamment à l'éducation, limite leurs possibilités d'emploi et de revenus", explique-t-elle.

María Tuyuc participates in the launch of the Network of Indigenous Entrepreneurs and Businesswomen of the Americas, organized by UN Women in the framework of the 14th Regional Conference on Women in Chile, in 2020. Photo: UN Women

María Tuyuc participates in the launch of the Network of Indigenous Entrepreneurs and Businesswomen of the Americas, organized by UN Women in the framework of the 14th Regional Conference on Women in Chile, in 2020. Photo: UN Women

Le manque d'autonomie économique les empêche également d'échapper à la violence, ajoute-t-elle : "la majorité des femmes qui tolèrent la violence ou ne font pas appel à la justice par le biais du système judiciaire, le font souvent parce qu'elles manquent d'indépendance économique".

À l'inverse, stimuler les capacités entrepreneuriales des femmes autochtones peut être transformateur pour elles et leurs communautés, et par extension, pour le pays tout entier. "L'autonomisation économique leur permet de croire en leurs propres connaissances et capacités et de les valoriser", souligne Maria Tuyuc, qui a fondé le Réseau mondial des entreprises autochtones. "Elles ont développé leurs propres modèles commerciaux, en établissant leurs propres réseaux d'entrepreneurs, et en s'assurant un accès aux marchés pour vendre et exporter leurs produits."

Grâce à ce réseau et à sa Mayan School of Business, Maria Tuyuc aide les communautés autochtones - en particulier les femmes - à développer leurs entreprises et à améliorer leurs chaînes de valeur pour obtenir de meilleurs revenus.

La résilience vient de l'apprentissage et de l'adaptation à la nouvelle réalité

Les entreprises autochtones et les entreprises dirigées par des femmes ont été durement touchées par la nouvelle pandémie de coronavirus. "Un grand nombre de petites et grandes entreprises sont confrontées à des fermetures, et avec cela, les entrepreneurs autochtones perdent leurs entreprises, ce qui affecte les chaînes de production communautaires qui fournissent des moyens de subsistance à des centaines de familles", explique encore Maria Tuyuc.

Elle ajoute que le tourisme, le textile, l'agro-industrie et l'artisanat - des secteurs auxquels les femmes autochtones participent traditionnellement - sont parmi les plus touchés par la pandémie. Mais malgré les difficultés, les femmes autochtones continuent d'apprendre et de s'adapter aux circonstances.

"J'ai été impressionnée par leur capacité d'adaptation. Une femme de Totonicapan [dans la région occidentale du Guatemala] fabriquait auparavant des caisses, mais elle a maintenant commencé à vendre des fruits et des légumes. D'autres ont profité de l'urgence pour améliorer leurs stratégies de vente ou ont amélioré leurs produits en innovant", partage Maria Tuyuc.

Pour María Tuyuc et d'autres dirigeants autochtones, reconstruire en mieux signifie placer les femmes autochtones au centre des efforts, aller au-delà des secours et de l'assistance d'urgence et se concentrer sur le renforcement de leur autonomie économique.

The Mayan School of Business teaches skills for indigenous women’s participation in economic opportunities. María Tuyuc co-facilitates a session. Photo: Red Global de Empresarios Indígenas REI/Miguel Curruchiche.

The Mayan School of Business teaches skills for indigenous women’s participation in economic opportunities. María Tuyuc co-facilitates a session. Photo: Red Global de Empresarios Indígenas REI/Miguel Curruchiche.

Les femmes autochtones en première ligne pour protéger leurs communautés

En ce qui concerne les solutions communautaires à la crise sanitaire et économique actuelle, les femmes autochtones ont déjà une longueur d'avance sur beaucoup d'autres.

Otilia Lux, ancienne ministre et membre du groupe consultatif de la société civile d'ONU Femmes, indique que plusieurs femmes des communautés autochtones se sont tournées vers les connaissances et les pratiques traditionnelles dans le contexte du COVID-19. Il s'agit, par exemple, d'utiliser la production de vergers familiaux pour fournir de la nourriture à leur famille ou de s'engager dans des échanges solidaires au sein de leur communauté afin d’assurer l’accès aux besoins de base.

"Le COVID a suscité la peur, mais les femmes ont répondu en se connectant à leur terre natale, aux enseignements de leurs ancêtres, en renouvelant l'utilisation de la médecine naturelle, et en dirigeant avec sagesse", a déclaré Lux lors d'un dialogue avec les dirigeants autochtones organisé par ONU Femmes.

"Les communautés [autochtones] ont toujours su aller de l'avant face à l'adversité", a ajouté Rosalina Tuyuc, militante des droits de l'homme et cofondatrice d'une association de veuves au Guatemala.

ONU Femmes et ses partenaires mettent les voix et les expériences des femmes autochtones au premier plan de la prévention et de la réponse au COVID-19 afin de renforcer la collaboration avec les communautés autochtones.

Aligner les priorités nationales sur les besoins et les capacités des femmes autochtones

Antonio Malouf, Minister of the Economy at the launch event of the National Coalition for the Economic Empowerment of Women. Photo: UN Women/Luis Barrueto

Antonio Malouf, Minister of the Economy at the launch event of the National Coalition for the Economic Empowerment of Women. Photo: UN Women/Luis Barrueto

" La pandémie survient à un moment où l'autonomisation économique des femmes est au centre de l'agenda national ", déclare Adriana Quiñones, Représentante d'ONU Femmes au Guatemala.

"Avec le lancement récent de la Coalition nationale pour l'autonomisation économique des femmes - une alliance multipartite dirigée par le gouvernement du Guatemala et ONU Femmes - nous avons l'occasion de générer des synergies entre plusieurs actions et de créer un impact transformateur sur les moyens de subsistance des femmes autochtones."

Créée peu avant l'apparition du COVID-19 au Guatemala, la Coalition vise à générer de meilleures opportunités économiques pour les femmes dans les entreprises. Elle cherche également à lever les obstacles qui limitent la participation des femmes à l'économie, comme la charge disproportionnée des soins non rémunérés et du travail domestique qu'elles accomplissent habituellement.

Les femmes autochtones sont une priorité pour que ces efforts portent leurs fruits. Une proportion importante - 79 % - des populations autochtones du pays vit dans la pauvreté. Les femmes restent confrontées à la charge la plus importante de soins non rémunérés et de travail domestique, ce qui les empêche de participer pleinement à l'économie formelle - seule une femme autochtone sur dix a un travail rémunéré - et même lorsqu'elles en ont un, elles gagnent 19 % de moins que les femmes non autochtone.

Stakeholders came together to launch the National Coalition for the Economic Empowerment of Women, led by the Government of Guatemala and UN Women. Photo: UN Women/Luis Barrueto

Stakeholders came together to launch the National Coalition for the Economic Empowerment of Women, led by the Government of Guatemala and UN Women. Photo: UN Women/Luis Barrueto

Même si les défis posés par la pandémie restent considérables, le fait de se concentrer sur les communautés autochtones peut débloquer d'importantes opportunités de développement.

"C'est le début d'un effort à long terme pour relever les défis les plus importants en matière de développement, fondé sur l'idée que les femmes améliorent non seulement leurs moyens de subsistance lorsqu'elles deviennent autonomes, mais que cela a un impact positif sur leurs familles, leurs communautés et le pays", affirme le ministre de l'économie, Antonio Malouf, qui coordonne les travaux de la coalition.

"Tirer parti des expériences des leaders autochtones est essentiel pour le travail de la Coalition nationale", explique Mme Quiñones. "C'est une occasion inestimable d'écouter les contributions des femmes autochtones et de trouver des moyens de soutenir et d'intensifier le travail de transformation qu'elles effectuent dans leurs communautés."