Quels progrès ont été accomplis 25 ans après la conférence mondiale de l’ONU sur les femmes à Pékin ?

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Le 5 mars dernier, plusieurs acteur.ice.s de la société civile se rencontraient lors d’une table ronde au Sénat pour discuter du Forum Génération Égalité qui aura lieu à Paris du 7 au 10  juillet 2020. Les débats tournaient autour de la question : où en sont les droits des femmes ? Les représentant.e.s d’ONU Femmes France, de l’ambassade de Mexique, de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée Nationale, d’UNICEF, et du Haut Conseil à l’Égalité, ont présenté les progrès accomplis mais surtout le chemin à parcourir pour atteindre l’égalité.  

Annick Billon, sénatrice et présidente de la délégation aux droits des femmes, commence la présentation de cette table ronde en faisant référence aux avancées de la conférence mondiale à Pékin, il y a 25 ans, et l’opportunité actuelle de se battre pour les droits de femmes. Claudine Lepage, sénatrice et vice présidente de la délégation aux droits des femmes affirme ensuite, « Nous sommes convaincu.e.s que la célébration du 25éme anniversaire du programme d’action de Pékin est le bon moment pour rappeler les enjeux du combat pour l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation économique et sociale des femmes dans la sphère internationale, en un mot, la diplomatie féministe. L'éducation des filles, la promotion des femmes dans la sphère politique et sociale, le développement de leur accès aux ressources économiques et la défense de leurs droits à disposer de leurs corps et à maîtriser leur fécondité sont les leviers défis d’un progrès économique et social partagé sans lequel il ne saurait y avoir de développement durable », affirme-t-elle. 

Tout au long de cette rencontre, sont évoqués les droits sexuels et reproductifs des femmes. Madame Lepage évoque le programme d’action de Pékin qui reconnaît les droits fondamentaux des femmes à maîtriser et décider en matière de sexualité et de procréation. La Sénatrice rappelle que ces avancées sont aujourd’hui encore menacées. Elle se demande si, 25 ans après Pékin, ce texte pourrait dans les mêmes termes être adopté par une majorité absolue. 

Pourquoi se rencontrer 25 ans après ?

Delphine O, ambassadrice et Secrétaire Générale du Forum Génération Égalité, affirme que la déclaration de Pékin et la plateforme d’action sont aujourd’hui des textes essentiels, encore largement défendus par la communauté internationale. Cependant, les moyens d’actions que devaient mettre en œuvre les États et les organisations internationales n’ont pas été pensés lors de ces événements.

Pour cette raison, 25 ans plus tard, dans le cadre de la campagne Génération Égalité initiée par ONU Femmes, le Mexique et la France ont décidé d’organiser la suite de Pékin, les 7 et 8 mai à Mexico, puis  du 7 au 10 juillet à Paris. Delphine O rappelle que la promesse en 1995 avait été de se retrouver tous les cinq ans. Et elle affirme  « nous avons observé une manque d'implication d’un certain nombre de conservatismes et de positions réactionnaires porté par des Etats membres de  l’ONU, dans les pays du sud et du nord, soutenus par des organisations de tous types, notamment religieuses, mais pas que, et un certain nombre des conservatismes »

La Secrétaire Générale du Forum Génération Égalité mentionne que si tous les États de l’ONU se réunissaient aujourd’hui pour adopter la déclaration de Pékin, elle ne serait très probablement pas adoptée. Elle reconnaît cependant que certains progrès ont été réalisés pour les droits des femmes en matière d’accès à l’éducation, à la santé, à la participation politique et économique. Toutefois, à la vitesse où se développent ces avancées aujourd’hui, les objectifs de développement durable 2030 de l’ONU ne seront pas atteints. 

Les violence faites aux femmes, une problématique centrale  

Lors de la présentation du Forum qui aura lieu à Mexico, Juan Manuel Gómez Robledo, ambassadeur du Mexique en France fait référence à l’importance de l’inclusion du terme féminicide dans le Code pénal, débat qui est aussi vivant au Mexique qu’en France. Monsieur Gómez parle du besoin de continuer à donner de la visibilité à ces types de crimes qui créent des victimes par le seul fait d’être des femmes.

Par ailleurs, il mentionne l’importance de reconnaître que ce ne sont pas seulement les États qui empêchent le progrès vers l’égalité mais qu’il s’agit de forces conservatrices qui nous font revenir en arrière et freinent la lutte pour les droits des femmes sont à l’intérieur de nos sociétés. 

Un événement historique

La directrice exécutive d’ONU Femmes France, Fanny Benedetti, fait référence au Forum Génération Égalité comme une opportunité historique, « Nous avons la chance de jouer un rôle dans l’histoire » dit-elle en mentionnant l’importance de créer un lien intergénérationnel et impliquer la jeunesse. 

Madame Benedetti souligne quelques ambitions du Forum, premièrement la réaffirmation de la déclaration de Pékin, « si on ne célèbre pas les 25 ans, alors ça veut dire qu’une génération entière sera passée. On risque de tomber en désuétude. On doit réaffirmer que cette plateforme est toujours là ». Deuxièmement, il s’agit de faire une « démonstration de force pour montrer le pouvoir du militantisme des femmes à l'égard de leurs droits, de la solidarité féministe et de la place qu’il faut donner aux jeunes leaders pour opérer des changements en profondeur »

La directrice exécutive d’ONU Femmes France évoque également l’importance du Forum pour illustrer les raisons des obstacles à la mise en œuvre du plan d’action de Pékin : « Le forum est ambitieux. Le succès sera assuré par la démonstration de force, pas seulement par l’action diplomatique classique. Il faut que la société au sens large soit impliquée pour créer un engagement citoyen très large » ajoute-t-elle. 

Où en sont les droits des filles ? 

Sébastien Lyon, Directeur général d’UNICEF France, et Farah Malek-Bakouche, chargée de plaidoyer international, dressent un panorama de la situation des filles aujourd’hui et du chemin qu’il reste à parcourir. 

Monsieur Lyon explique que la situation des filles est encore pire que celle des femmes concernant les discriminations et l’accès à la parole. Cette marginalisation des filles dans certains endroits induit automatiquement une limite dans les opportunités pour leur avenir. En matière d’éducation, les avancées depuis Pékin sont indéniables, mais il reste encore beaucoup à faire. Ainsi au niveau mondial, 4 filles sur 5 finissent l’école primaire et seulement 2 sur 5 l’éducation secondaire. 

Le directeur d’UNICEF mentionne d’autres problématiques qui ont encore besoin d’action, comme les mutilations génitales féminines, le mariage des jeunes filles et les grossesses précoces. Ainsi, Madame Malek-Bakouche explique différents cadres d’action de l’UNICEF comme des interventions contre les violences faites aux filles dans le cadre des violences conjugales et la prise en charge psychosociale de celles victimes des conflits. 

Les enjeux d’une diplomatie féministe

Le Haut Conseil à l’Égalité représenté par la commissaire aux affaires internationales et européennes, Cléa Le Cardeur et Christine Mauget, membre de la commission aux enjeux européens et internationaux, évoque les objectifs de la diplomatie féministe. 

Madame Le Cardeur signale la sous-représentation des femmes et le sexisme au sein de différents organismes, comme un défi à surmonter à l’échelle internationale. De l'expérience suédoise ressortent plusieurs marqueurs qui permettent de définir une diplomatie féministe, parmi lesquels : « le droit et l’égalité entre les femmes et les hommes placés au cœur de la politique extérieure, une vision transformatrice qui cherche à modifier les structures inégalitaires du pouvoir, la mobilisation des ressources financières conséquentes et pérennes au service de ces objectifs, la participation des femmes, la parité dans la conception et la mise en œuvre de cette politique »

De son côté, Madame Mauget fait appel au besoin de faire évoluer la législation autour de l’avortement. Dans un monde où les rapports entre les femmes et les hommes sont inégalitaires, « le droit des femmes de décider de poursuivre ou non une grossesse non prévue et de pouvoir le faire dans un cadre sécurisé et dépénalisé » est au cœur des ces enjeux en matière de santé sexuelle et reproductive, ajoute-t-elle.

Paola Ariza Serna


Retrouvez l’intégralité de la table ronde