L'histoire de Meserat Hailu, Liban

Photo gracieuseté de Meserat Hailu

Photo gracieuseté de Meserat Hailu

“J’avais l’habitude de travailler sans recevoir de salaire. Quand je demandais mon salaire, madame me disait non ou me frappait. Elle me frappait souvent. C’était un cauchemar. J’ai été torturée, maltraitée psychologiquement, physiquement et verbalement. J’ai travaillé et vécu dans la maison de mon Kafeel (parrain) pendant huit ans et sept mois. J’ai été payée pour seulement 13 mois. Je travaillais 15 heures par jour, tous les jours, sans vacances ni week-end. Je n’avais pas le droit de voir qui que ce soit. Je voulais partir, mais je ne pouvais pas. Je pensais que si je pouvais m’enfuir, je pourrais peut-être aller à la police. Mais la porte était toujours verrouillée, et mon employeur avait demandé au concierge de me surveiller. Il m’aurait empêché de partir. J’ai finalement dit à ma mère ce qui m’arrivait. Un matin, mon employeur a reçu un appel téléphonique d’un avocat. Il lui a demandé de me laisser partir. Deux semaines plus tard, mon employeur m’a renvoyée en Éthiopie, mais sans argent. J’étais très heureuse d’être libre... mais j’étais aussi triste, parce que j’avais travaillé pendant si longtemps sans rien gagner.”

Pendant plus de huit ans, Meserat Hailu, travailleuse domestique migrante éthiopienne à Beyrouth (Liban) a été victime des violences de la part de son employeur. Informée de sa situation, la “Legal Action Worldwide”, organisation soutenue par ONU Femmes, s’est chargée de son cas, exigeant sa libération. Meserat Hailu a pu retourner dans son village en Ethiopie et a entamé des poursuites judiciaires contre son “kafeel”. Le Liban compte entre 250 000 et 300 000 travailleur.e.s domestiques, dont la plupart sont des femmes immigrées en provenance d’Éthiopie, des Philippines, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka. Leur travail et leur statut de résident au Liban sont réglementés par le tristement célèbre système « Kafala ». Terme arabe signifiant « parrainage », Kafala est depuis longtemps dénoncé par les groupes de défense des droits de la personne comme un système qui permet aux employeur.e.s d’exploiter et d’abuser des travailleur.e.s.Le 8 octobre 2020, avec le soutien d’ONU Femmes, Legal Action Worldwide a déposé en son nom une plainte inédite, faisant valoir que son traitement « constituait un crime d’esclavage lié à la traite d’esclaves, à la traite de personnes, au travail forcé, à la privation de liberté et à la confiscation de documents personnels, à la discrimination raciale, à la discrimination basée sur le genre et à la torture », la première jamais intenté auprès d’un tribunal pénal libanais.